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Vous souvenez-vous des dernières fois ?
Crédit: Raj Rana/Unsplash

Un des grands bonheurs de la vie de parent, ce sont les premières fois de nos petits coeurs. Premier sourire, premier bisou, premiers pas, premier mot. On n’en fait jamais le tour. Elles se succèdent à un rythme effréné, viennent nous surprendre au milieu des nuits écourtées ou entre deux bouchées de toasts froides.

Chaque première fois est unique, précieuse; chacune est un événement qu’on veut chérir à jamais. On s’empresse de prendre des photos, de texter toute la famille : « Il a mis un bout de banane dans sa bouche !!! » Ce sont de petits fragments de miracles. Des morceaux de banal pourtant extraordinaires. Parce que c’est incontestable : il n’y a rien de plus magnifique que voir un petit être évoluer, apprendre, se développer. Juste rien.

Les premières fois ont leur revers, dont on ne parle jamais : les dernières fois. Les dernières fois arrivent généralement sans prévenir, elles aussi. Comme les premières fois, elles sont parfois source de réjouissance, mais le plus souvent, elles sont source de mélancolie. Et surtout, à la différence des premières fois, on ne sait pas quand on en est témoin. On ne les constate qu’après coup. 

On les banalise d’abord. Tiens, il n’a pas mouillé sa couche cette nuit. Tiens, elle a oublié de me faire un câlin avant de partir pour l’école. Puis le temps passe. La vie continue. Et un jour on y repense. Parfois longtemps après le fait. Parfois jamais. C’est peut-être pour ça qu’elles sont si cruelles : parce qu’elles nous dérobent ces derniers moments dont on aurait voulu profiter.

 

Le dernier « je t’aime Maman » lancé sans pudeur, en public.

Le dernier dessin offert en cadeau avec un sourire débordant de fierté.

Les dernières supplications pour se faire lire un livre à voix haute.

La dernière main tendue pour saisir la nôtre en marchant dans la rue.

 

Ce n’est pas un refus d’avancer, pas vraiment. C’est simplement le rêve d’une pause, le temps de dire adieu aux instants qui ne reviendront jamais. Parce qu’ils étaient si parfaits, les mots zozotés avant que le son « s » soit maîtrisé et les heures de symbiose dans la chaise berçante. On voudrait pouvoir les garder indéfiniment, ne jamais les oublier.

Les dernières fois sont toujours douloureuses. On ne s’y habitue pas, mais on n’a pas le choix de suivre le mouvement. Parce que chaque jour, les enfants changent, grandissent, se transforment en eux-mêmes.

Et il n’y a rien de plus magnifique.

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