C’est avec beaucoup d’amour que j’écris cette lettre à votre intention. À vrai dire, en tant que votre maman, je me dois de vous dire la vérité sur l’état du Monde actuel & de l’avenir qui se dessine à l’horizon. Cela m’inquiète profondément. Ça fait des mois que je réfléchis, que j'observe, que je lis et que je commente dans ma tête… et que malgré ma personnalité d'extravertie et mon amour de la vie, mon optimisme est de moins en moins fervent. N’ayez crainte, mes amours, je ne suis pas dépressive. Mon cœur est souffrant certes, mais je suis parfaitement lucide et je ne peux ignorer que l’être humain s’enfonce.

Ce que je lis, ce que je vois, ce dont je suis témoin m’effraient. Bien sûr, je reconnais la chance que nous avons de vivre sur le « bon côté de la Boule ». Vous pouvez aller à l’école sans avoir peur d’être enlevée et vendue comme au Nigeria. Vous pourrez choisir votre amoureux sans la crainte d’être défigurée à l’acide comme en Inde. Vous pourrez aussi décider ou non d’avoir un enfant contrairement aux femmes du Nicaragua. Bref, notre cocon sociétal tient le coup… malgré la montée en puissance de la haine de l’autre, l’ignorance & le déni de la science, le narcissisme, l’égoïsme, la mesquinerie, la violence et le mensonge dans nos rapports sociaux. Du municipal à l’international en passant par le national – provincial ou fédéral. Tous tirent sur la couverte, se blâment mutuellement et préfèrent s’insulter lorsqu’à court d’arguments. Les solutions communes aux problèmes mondiaux se font rares, car le travail entre groupes opposés est inexistant. Non seulement la Planète nous rabroue avec ses catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes, mais les humains se mentent, trichent, se jalousent, s’entêtent et s’entre-tuent…au nom de la religion, de l’économie, du patriotisme ou de la santé. L’Humanité régresse pendant que tous parlent & personne n’écoute. Pendant ce temps, mes inquiétudes grandissent.

Évidemment, je ne suis pas naïve. Je sais que le Monde n’a jamais été parfait et qu’il ne le sera jamais. Or, nous n’avons pas toujours été aussi divisés, violents et abrasifs. J’ai souvenir d’élans de solidarité, d’empathie, d’entraide, d’ouverture, de bonté & de bienveillance dans notre Histoire récente. Vous lirez sur l’effort de guerre des Canadiens lors des deux Guerres mondiales…ou encore sur les inondations du Saguenay, le 11 septembre, la tragédie de Mégantic ou la crise des migrants syriens. En temps d’urgence, nous avons déjà été capables de plus et cela m’attriste de constater que nous ne sommes plus à la hauteur. Vous méritez tellement mieux, mes amours. Et je me sens impuissante.

Sachez qu’en devenant votre maman, le centre de mon univers s’est déposé dans vos yeux. Que je donnerais volontiers ma vie pour vous garantir une vie heureuse, paisible & en santé. Que j’espérais vous élever au sein d’une société humaine qui serait meilleure que celles venues précédemment. C’est le souhait de tout parent– que nos enfants nous dépassent et réussissent mieux que nous. Qu’ils aient une qualité de vie supérieure à la nôtre… et j’ai le mauvais pressentiment que nous échouons. Collectivement.

Épuisée, après maintes nuits blanches à entendre les cris des infirmières, des enseignants, des intervenants de la DPJ, des aidants naturels, des enfants autochtones, des dissidents russes & des réfugiés libanais, afghans ou guatémaltèques, j’en suis venue à une seule conclusion. Pour vous trois, je me dois d’être le meilleur modèle d’humain possible. Continuer à être curieuse, de m’informer, de nuancer, de relativiser & de considérer. Pratiquer davantage le respect de l’autre, l’écoute, l’empathie, la bienveillance & l’ouverture d’esprit et de cœur. Vivre dans la gratitude, la reconnaissance & la générosité. Par cette stratégie subtile, j’espère faire de vous de meilleurs humains que ceux présentement à l’œuvre… parce que vous méritez un avenir lumineux. On dit que « Face à la tempête, le roseau plie, mais ne rompt pas ». Sachez que je plie fort présentement, mais que je résiste pour vous- mes sources d'espoir en ces temps sombres.

Je vous aime. 

Maman