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400 nuits sans sommeil
Crédit: Valeria Ushakova/Pexels

Dans une autre vie, j’étais une dormeuse de premier ordre. Je faisais partie de celles qui s’enfilaient neuf à dix heures d’un sommeil profond et réparateur. Dormir était, sans contredit, une de mes activités préférées et j’étais particulièrement douée.

J’écris « étais » sans nostalgie mal placée. Je ressens, au pire, un vague pincement au cœur. C’est que je suis passée de l’autre côté du miroir. J’ai célébré, cette semaine, ma 400e nuit sans sommeil.
De dormeuse professionnelle, je suis devenue papillon nocturne.                                                         

Récit d’une métamorphose en quatre actes.

Acte 1 : Le déni
Enceinte, je souhaitais naïvement mettre au monde « un bébé qui dort ». J’étais encouragée par des études scientifiques affirmant que la génétique joue un grand rôle dans le sommeil des nouveau-nés. Ayant pour parents deux marmottes invétérées, il était écrit dans le ciel (et l’ADN) que mon poupon serait de ceux qui font des nuits de douze heures à un mois. 

Les premiers temps ont été encourageants. Mon bébé dormait le nombre d’heures promises par le Mieux-Vivre. Le jour. La nuit, par contre, c’était une autre histoire. « C’est normal! Le temps que son horloge biologique se régule. It’s a done deal!» Mes livres portant sur le sommeil des bébés ont pris le chemin du sac de dons.

Acte 2 : L’espoir
Les mois ont passé. Les nuits sont demeurées blanches et agitées. Je suis alors entrée dans une phase que je qualifierais d’interventionniste. Je suis retournée à mes manuels sur le sommeil et j’ai commencé à appliquer « des techniques ». Chaque coucher de soleil était accompagné d’une seule préoccupation : « Est-ce que ce sera cette nuit? La nuit magique où je me réveillerai les seins comme des obus parce que mon fils aura dormi?». Puis, l’espoir a grandi. « À quatre mois… À six mois, il dormira. À neuf mois, il ne pourra PAS ne pas faire ses nuits. »

Acte 3 : Le mur
Un soir, constatant que je n’avais pas dormi plus de trois heures d’affilée depuis plus dix mois, j’ai éclaté en sanglots. J’ai frappé le mur amer de la fatigue océanique. Irritabilité, problèmes de santé, tous les maux qui viennent avec me sont tombés dessus en même temps. Au plus noir de mon épuisement, cette idée terrible ne me lâchait plus : « Torture, la privation de sommeil est une torture ». C’est ce que je me répétais en tentant de soulager mon fils d’une difficile poussée dentaire. La joie, quoi!

cdd20/Pixabay
 
Acte 4 : L’acceptation
La dernière flamme d’espoir qui m’habitait a été soufflée en même temps que la chandelle du premier gâteau d’anniversaire de mon enfant. Trop de nuits blanches ont-elles finalement atteint le fond de ma psyché? Mon corps a-t-il fini par s’adapter à son nouveau régime?

Peu importe. J’ai choisi d’accepter ma fatigue et de m’en faire une alliée. Elle doit bien m’avoir apporté quelque chose, non? Elle m’a enlevé un peu de vernis sur les ailes. Elle me rend plus directe, moins malléable. Avec elle, je dois apprendre à respecter mes limites.

Quand mes amies nouvelles mamans parlent de techniques d’endormissement, je regarde ailleurs, un sourire en coin, une chanson en tête. Je suis over the rainbow, comme on dit.

Giphy

Avez-vous bien dormi la nuit dernière?

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