Pour certain.e.s, le jour où un diagnostic tombe, généralement après des années de difficultés et d'incompréhension, c'est un soulagement. La clef. Une promesse. Le début du happy end. Pour certain.e.s... mais pas pour moi. 
 
Moi, j'étais dans le bureau de la pédiatre pour autre chose. Tôt un matin de semaine, trop chaud dans mon manteau d'hiver, un enfant en panne de patience a trépigné sur la chaise à côté de la mienne. Un rendez-vous noté sur le calendrier, une case à cocher dans ma journée, entre les lunchs à préparer et mon gros dossier au bureau.
 
Moi, je n'étais pas prête.
 
Il y avait les murs blancs, la table d'examen, les chaises en plastique, mon coccyx vaguement endolori; puis subitement, sur un coin de table, les mots. Sournois, acérés, sans appel.
 
La pédiatre a continué de parler. Moi je me suis accrochée à son regard pendant que mon cœur tanguait. Ma tête s'est inclinée vers l'avant et par automatisme, je l'ai hochée à répétition, pour noyer le choc. En dedans, j'ai eu un tremblement de terre. En dedans, les décombres m'ont ensevelie. En dehors, rien n'a paru; je ne faisais que hocher la tête, et le soleil n'a même pas eu la décence de clignoter.
 
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En réalité, je le savais déjà. Les signes étaient là depuis des années. J'avais posé des questions. J'avais googlé quelques fois. Mais on m'avait dit que c'était normal, que c'était une passe. J'avais pris ça pour du cash. J'avais pris ça pour mon happy end. Pas pour un angle mort.
 
Quand j'ai enfin cessé de hocher la tête, lui était toujours à mes côtés. Il n'avait pas changé dans les secondes qui venaient de s'écouler. Il n'avait pas entendu, ou il n'avait pas compris. Il n'avait pas vu l'étiquette qu'on venait de lui coller. Il n'avait pas vu les obstacles qu'on venait d'éparpiller un peu partout sur sa vie. Il ne savait pas que tout à coup il était différent, parce qu'il avait un diagnostic. Il se tortillait dans sa chaise, impatient d'enfin retourner à l'école. Il était le même qu'avant, le même petit garçon obsédé par Plants vs Zombies qu'aucune ruse ne peut convaincre d'avaler un seul brocoli. 
Ça m'a remis les idées en place un peu. C'est vrai que je n'étais pas prête. Je ne savais pas qu'il commençait comme ça, mon happy end à moi. Mais que le diagnostic soit nommé ou non, ça n'a que très peu d'importance. Il fait partie de notre quotidien depuis des années déjà. Et mon garçon est toujours aussi magnifique et extraordinaire. Ça, ça ne changera jamais, et c'est la seule chose qui compte.