Pendant ma grossesse, j’avais une vision bien romancée de mon congé de maternité. J’allais m’occuper en priorité de bébé, certes, mais j’allais aussi avoir du temps pour moi, pendant ses siestes et la nuit, lorsqu’il serait dans les bras de Morphée, pour vaquer à mes occupations. Nous allions pouvoir faire des sorties ; j’allais faire découvrir à bébé les musées et nous irions peut-être même à la piscine ensemble. Spoiler alert : rien de tout ça n’est arrivé.
Mon but ici n’est pas de faire peur à qui que ce soit. Mon expérience sera fort probablement différente de la vôtre ; mieux pour certains aspects et pires pour d’autres. Chaque femme est différente, chaque maman aussi ainsi que chaque grossesse et chaque bébé. Il n’y a qu’une seule constante : le « congé » de maternité, c’est tout sauf des vacances !
Le principe d’un congé de maternité, c’est de prendre une pause professionnelle pour accueillir un enfant, puis l’accompagner dans les premiers mois de sa vie. Notre quotidien tourne autour de ce petit être et de ses besoins auxquels on tente de répondre le plus rapidement possible, au mieux de nos capacités. Et je dis capacités plutôt que compétences, parce qu’on peut être le parent le mieux attentionné et le plus compétent pour prendre soin de notre enfant ; après de multiples nuits trop courtes, nos capacités ne sont pas à leur meilleur et c’est normal.
Et laissez-moi souligner que le terme « congé » est très mal choisi ; qui a déterminé qu’on allait appeler cette période un « congé » de maternité (ou « congé » parental) ? J’aurais quelques mots à lui dire, dont les suivants : je n’ai jamais autant travaillé que pendant mon « congé » de maternité. Concrètement, je m’occupais de bébé pendant toutes ses heures d’éveil, sauf les quelques heures par jour où son papa pouvait prendre le relais, le temps que je lave des biberons, que je lance une énième brassée, que je mange une bouchée ou que je saute dans la douche en gardant l’oreille ouverte. Puis, le shift de nuit commençait et pendant plusieurs mois, c’était assez rock’n roll, avec des réveils fréquents qui ne me laissaient dormir que quelques courtes petites heures d’affilée. Au revoir le sommeil profond.
Jamais un travail ne m’a demandé un engagement aussi intense en temps et en énergie, et tout ça, sans rémunération (oui, j’avais droit aux prestations du RQAP parce qu’on a cette chance, au Québec, mais ce n’est pas une véritable rémunération). Qui voudrait d’un tel emploi ? Blague à part, je veux tout simplement illustrer que c’est un travail exigeant à temps plus-que-plein (dans le sens qu’on ne peut pas s’arrêter après 40 heures par semaine). Sur le continuum entre travail et congé, on se trouve définitivement beaucoup plus près du travail que de son contraire. Évidemment, ce travail est particulier; il nous donne la satisfaction incommensurable et incomparable de voir notre bébé heureux. Le genre d’incitatif qu’on ne retrouvera dans aucun autre emploi, j’en conviens.
Mais il est où, le fameux équilibre ? Devenir maman, c’est à la fois extrêmement exigent et (devenir papa aussi, probablement, mais j’écris ici selon ma propre expérience) et foncièrement bouleversant et merveilleux et affolant et stupéfiant. Du jour au lendemain, un petit être totalement dépendant a besoin de nous pour survivre. Ses besoins passent avant les nôtres, parce qu’ils ne peuvent pas attendre ; il y a toujours urgence et des hurlements pour en signifier le degré. Et ces hurlements sont si fréquents que s’il s’agissait véritablement d’un emploi, nous n’aurions d’autres choix que de reconnaître la toxicité de cet environnement. Mais voilà, ce n’est pas un emploi. Et ce n’est pas non plus un « congé ».
Alors, qu’est-ce que c’est ? Du « travail » de maternité ? Une « pause professionnelle pour maternité » ? La maternité, tout simplement ? Toutes ces réponses? Je crois que je vais laisser à d’autres la tâche de réfléchir à un nom qui refléterait mieux la réalité puisque j’ai un autre objectif avec ces lignes. Ce que je veux réellement, c’est qu’on offre plus de soutien à toutes les personnes qui prennent du temps pour s’occuper d’un enfant, à temps plus-que-plein.
J’aimerais qu’on cesse de croire que parce qu’on aime notre enfant, que c’est facile de s’en occuper jour et nuit sans relâche. Personne n’est à l’abri de l’épuisement et le burn-out parental n’est pas un mythe. J’aimerais aussi qu’on soit collectivement réaliste face à la réalité des mamans qui sont à la maison avec leur nouveau-né ; même si une influenceuse du web est capable de vivre la van life avec son bébé de 3 mois, ça ne veut pas dire qu’une autre maman aura l’énergie de faire une sortie aussi banale que d’aller à l’épicerie. Chaque bébé est différent et chaque maman aussi. Tant qu’à y être, j’aimerais que plus personne ne croie que les mamans sont « naturellement » meilleures que les papas pour prendre soin des enfants et qu’on comprenne que ce n’est qu’une question de pratique et de temps passé auprès de bébé.
Surtout, j’aimerais qu’on reconnaisse que de prendre une pause professionnelle pour faire de bébé notre ultime priorité pendant ses premiers mois de vie n’est pas synonyme de prendre congé ou d’être en vacances. C’est du travail constant, exigeant et acharné qui comporte des défis immenses.
Alors, par pitié, cessez de demander : « C’était comment, ton congé ? »