Dimanche dernier s’achevait les quatre pires jours de ma vie. Après dimanche dernier, je ne serai plus jamais comme avant. Au début du mois d’août, mon merveilleux mari et moi avons reçu une nouvelle qui changerait nos vies à jamais, j’étais enceinte. Quelques semaines plus tard, nous apprenions aussi que je n’étais pas juste enceinte, j’étais enceinte de jumeaux identiques, deux petits garçons; 0,4% de chance que ceci nous arrive! Je ne pouvais pas croire ma chance. Pendant mes 22 semaines de grossesse, je me sentais tellement spéciale. C’est fou, mais j’avais toujours su que j’allais avoir des jumeaux, je l’ai toujours senti.

Rapidement, nos jumeaux A et B sont devenus Morgan et Joël. C’était toujours Morgan que je sentais bouger dans le bas de mon ventre. C’était lui qui, durant les échographies, tournait, faisait le bretzel et donnait du fil à retordre aux techniciennes qui essayaient de le mesurer. C’était le plus petit des deux et je savais que c’était lui le petit tannant. Chaque nuit, je m’excusais à Joël parce que je dormais toujours de son côté. C’était la seule position dans laquelle j’étais confortable. Je lui disais qu’en plus de devoir avoir les fesses de son frère dans la face, il fallait qu’il se fasse écraser par sa mère pendant 7h. Il était plus calme et semblait plus gêné. Il faisait dos à la caméra une fois sur deux dans les échographies, mais je me souviens qu’une fois, il a bougé son bras comme pour me dire « Allô maman, ne t'inquiètes pas pour moi, tout est beau. » Cette fois-là, je me souviens que mon cœur a presque explosé d’amour. Mes deux bébés.

C’était une grossesse assez facile. J’étais fatiguée et stressée, mais je pense que ça, c’était normal. Je me posais plein de questions: « Est-ce que je vais être une bonne mère? », « Est-ce que notre maison est assez grande? », « Est-ce que mes bébés vont être en santé? ». Être enceinte de jumeaux identiques nous place automatiquement dans la catégorie des grossesses à risque, mais je n’étais pas stressée avec ça. Chaque fois, mes examens revenaient parfaits : tests de dépistage, échographies de croissance, examen complet de la physionomie. Rien d'alarmant. Rien d'anormal.

Mon cauchemar a commencé le 5 décembre à 1h30 du matin. Je dormais. J’ai perdu mes eaux. Je n’ai rien vu venir. Je ne sais pas ce qui s’est passé. Nous sommes allés à l’hôpital et suite à une échographie d’urgence, nous avons appris que Morgan n’avait pas pris de poids depuis 8 jours et qu’il y avait probablement un problème avec son cordon ombilical. Sans que personne n’ait eu besoin de me le dire, j’ai compris.

Quelques heures plus tard, les contractions ont commencé et j’ai accouché de Morgan. Les médecins ont été clairs : « il n’y a rien qui peut être fait si un accouchement a lieu avant 24 semaines ». Mon cœur s’est brisé pour la première fois. Morgan est venu au monde à 22 semaines et un jour. Il n’a pas survécu à l’accouchement même si j’avais entendu son cœur battre une heure auparavant. À ce moment-là, j’ai compris que je ne serais jamais plus pareil. Mon bébé est décédé et on m’a donné mon premier ours en peluche.

Le corps humain est encore un mystère, car après l’accouchement, le travail s'est arrêté et Joël semblait vouloir rester avec moi. Peut-être qu’il allait encore s’accrocher treize jours? Je trouvais que le nom Joël sonnait comme Noël. Peut-être qu’il allait arriver pour cette journée de l’année? Avec son sac fragilisé et l’absence de Morgan, Joël est resté avec moi 3 jours de plus. Le 8 décembre, j’ai perdu mes eaux et j’ai accouché une deuxième fois en me rappelant exactement des étapes de la fois d’avant. Joël était vivant. Mais même en suppliant les infirmières, elles m’ont redit, les yeux plein d’eau ce que je savais déjà : « il n’y a rien qui peut être fait avant 24 semaines ». Mon cœur s’est brisé pour la deuxième fois. J’ai tenu mon bébé et il est décédé sur moi. Quelques minutes plus tard, on m’a remis mon second ours en peluche.

Des fois, je pense que Joël se sentait seul… Est-ce que ça se sépare, des jumeaux identiques? Je pense qu’il voulait aller retrouver Morgan. Je pense qu’il n’aimait pas vraiment ça que son frère soit tout seul. Je sais que moi, je n’aimais pas ça. J’essaie de trouver du réconfort dans l’idée
qu’ils sont ensemble.

Suite à son décès, j’ai téléphoné au salon funéraire pour savoir si c’était possible de me rapporter Morgan. Pendant une heure, j’ai bercé mes deux bébés ensemble. Collés un avec l’autre. Ça m’a fait du bien. Le 8 décembre je suis revenue chez moi. Tout était pareil, mais moi j’étais différente. Je tenais dans mes bras deux ours en peluche.

C’est étrange, depuis que ceci est arrivé, je pense souvent à un article paru l’an dernier. C’était une maman orque qui avait traîné son bébé décédé pendant 17 jours avec elle dans l’océan. Je l’aime cette maman orque, elle me fait du bien et je me demande combien de jour je vais traîner mes deux ours en peluche avec moi.

Peut-être que certains vont se demander pourquoi j’ai voulu partager notre histoire? Nous avions décidé de garder le secret des noms de nos jumeaux et la première fois que nous les avons annoncés, c’était à la dame du salon funéraire. En écrivant cet article, j’ose penser que leurs noms et notre histoire pourraient servir à d’autres mamans. D’autres mamans qui vivent une situation semblable. J’aimerais que leurs noms servent à ces mamans pour qu'elles se sentent aimées et comprises.

Durant cette période de noirceur, j’aimerais souligner l’amour de nos proches, le soutien des infirmières qui ont pleuré avec nous et surtout, les yeux bleus remplis de tendresse de mon mari qui m’ont permis de passer au travers.

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