Printemps 2015. Première grossesse. Les bourgeons sortent et une petite graine germe en secret dans le creux de mon ventre, semant d’abord la consternation, puis la joie 

Printemps 2016. J’ai un bébé tout neuf. Il a 3 mois, j’ai l’impression que je sors ma tête de l’eau. Le lait coule à flots, je découvre que le sommeil se fractionne et s’égare, j’aime tellement que je ne me possède plus.  

Printemps 2017. Deuxième grossesse. On voulait deux ans de différence minimum. La vie décide d’exaucer très précisément notre souhait. Beaucoup moins de consternation, plus de joie, beaucoup moins le temps de s’attarder à cette joie. Pas le temps de me flatter la bedaine, j’ai un toddler en cavale à rattraper.  

Printemps 2018. J’ai encore un bébé tout neuf. J’ai les hormones dans le tapis. Je suis une fontaine de lait qui fournit pour deux. Je dégouline d’amour.  

Printemps 2019...rien. Ben pas rien, BEAUCOUP en fait. Beaucoup de rires, beaucoup de crises, beaucoup de réveils, beaucoup de bisous collants. Mais rien dans mon ventre. Mais pu d’hormones dans le tapis. 

Mon grand parle SANS ARRÊT. Il se pratique à écrire son nom tout seul. Il choisit lui-même ses sous-vêtements. Il invente de nouveaux mots. Il ment. Il me dit « Je t’aime » sans que je l’aie dit avant. Il me raconte ses journées.  

Mon petit marche. Il grimpe partout. Il me fait des coucous et commence à baragouiner quelques mots. Il grogne et arrache les jouets des mains de son frère. Il me donne des câlins. Il essaie de mettre ses souliers. Il est de moins en moins un bébé.  

C’est le printemps. Et je réalise que la sève qui monte dans les arbres fait monter comme une petite envie dans mon cœur. Une envie de créer une vie, encore. Une envie d’une autre rencontre exceptionnellement marquante, d’une autre aventure d’une intensité presque indicible. Une envie de multiplier les bonheurs collants, une envie de voir les yeux de mes minis briller en voyant pour la toute première fois leur petit frère ou leur petite sœur. Une envie d’être une maison. Une envie de manquer de bras.  

Mais il y a ma tête. Ma tête qui sait très bien que ce n’est pas le moment d’avoir un troisième enfant. Ma tête qui pense même que ce ne sera jamais le temps d’en avoir un autre.  

Et mon corps qui en a vu de toutes les couleurs, mon corps qui aimerait recommencer à dormir un jour.  

Alors je retiens mon printemps fertile et je regarde éclore les bourgeons.  

Après 4 années un peu folles, mon été 2019 sera tranquille. Ça pince un peu, mais ça fait du bien en même temps.