Depuis quelque temps, mes enfants prennent un malin plaisir à me rappeler qu’ils grandissent. Bon, il y a eu l’inscription à la maternelle de ma plus grande, puis, le jour où elle a décidé d’arrêter de sucer son pouce. Eh puis cet été, on a eu nos premières vraies vacances reposantes depuis 5 ans, parce que, tout simplement, les enfants jouaient ensemble. Ils jouaient ensemble et on pouvait, mon chum et moi, lire nos livres, jaser, faire ce qui nous plaisait, sans être constamment réclamés. Bref, je vois mes enfants quitter tranquillement la petite enfance, et préparer leur entrée dans le monde.

Quant à moi, j’ai réalisé aussi dernièrement que j’avais franchi comme une étape, ou bien vécu une nouvelle métamorphose, je ne sais trop, mais que cette fin de la petite enfance avait son parallèle dans ma vie. Comment pourrait-on appeler cette période de la maternité qui correspond à celle de la petite enfance de nos enfants? La petite maternité? Pour moi, elle était si gigantesque…

Je me suis aperçue que j’avais franchi une étape il y a quelques mois, quand j’ai décidé de publier sur le blog un texte sur ma fatigue post-partum. C’était un texte que j’avais écrit un an auparavant. Mais au moment où je l’avais rédigé, je n’avais pas été game de le publier. Je pense que c’est en partie parce que j’y parlais de dépression (je ne savais pas si je pouvais oser), et aussi surtout, parce que je sentais que ma blessure n’était pas tout à fait guérie. 3 ans après l’arrivée de mon premier enfant dans ma vie, je me sentais encore fatiguée, ébranlée. Je n’avais pas encore tout à fait repris mes forces, je ne m’étais pas encore tout à fait reposée, la culpabilité et le doute continuaient de m’habiter. Surtout, je sentais que mes enfants avaient encore besoin de moi en tout temps, et c’était à la fois la chose la plus merveilleuse et la plus épuisante que j’aie eu à vivre.

Quand, ce printemps, j’ai relu ce texte qui était enregistré dans mes brouillons, j’ai eu comme un vertige. C’était moi qui avais écrit ça ? C’était bizarre, je ressentais à la fois de l’étrangeté et de la familiarité: oui, je reconnaissais tout à fait les sentiments que j’avais décrits, je me souvenais de les avoir vécus, mais ils ne m’habitaient plus, plus du tout. Et moi qui avais tant buché, qui avais grimpé avec tant de difficulté et tant d’amour les falaises escarpées des débuts de ma maternité, j’étais maintenant arrivée à un point de repos, de force et de confiance; j’y étais arrivée.

Crédit : Kely Sikkema/Unsplash

La petite enfance est une période si intense d’apprentissages, pour les enfants et pour les parents. On est lancé.e.s dans l’inconnu, on se donne au complet, on peut se perdre, ou au contraire, se trouver. Et tous les petits gestes, répétitifs et incessants, qui sont nécessaires au soin, à la sécurité, aux sourires de nos enfants, ils sont tellement prenants. Et puis, à un moment, pouf!, on se retourne, et on se rend compte qu’on a appris, qu’on a tracé nos pistes, qu’on se connaît mieux, et qu’on a même développés certains talents, à entendre, à écouter, à respecter ses limites, à donner.

Je ne sais pas si je vivrai une autre « petite maternité »; je ne sais pas si j’aurai d’autres enfants. Je ne m’ennuie pas de la douleur et de la fatigue, des doutes et de l’embrouillement. Mais je me souviens de la folie exaltante de mes accouchements, de l’allaitement que j’ai tant aimé, je me souviens de ces chansons chantées au milieu de la nuit, de ces premiers roucoulements au petit matin. Je me souviens de mon incrédulité: elle est là, il est là, et elle.il sent le lait. Que c’était bon, vous découvrir, mes enfants.

J’aime tellement ça, grandir avec vous.

Et je dois dire, chères lectrices, que j’ai aussi vraiment aimé ça grandir avec vous. Pour moi la fin de la petite maternité signifie aussi de dire au revoir à TPLMoms, d’autres projets m’appellent (faut vraiment que je l’écrive, cette thèse!). Ce blog a été pour moi un merveilleux espace d’expression et d’échange féministe, c’est un lieu où je me suis trouvée, dans la maternité, et c’est grâce à vous et aussi aux autres autrices, mes amies. J’ai goûté ici à la sororité comme nulle part ailleurs, et ça a été central pour survivre et traverser ma petite maternité. Il faut garder ces espaces, il faut continuer à libérer la parole des femmes, il faut savoir se trouver.

Merci pour tout, avec tout mon amour féministe.

ps- Si vous voulez continuer à lire mes réflexions, passez me voir de temps en temps sur Petite mère. xx