J’ai attendu d'avoir écouté quelques épisodes pour voir ce que je pensais du nouveau Passe-Partout, au-delà de ma nostalgie de millénariale et de l’évident enthousiasme de ma fille de trois ans et demi.

D’aucuns ont beau avoir décrié l'émission (trop blanche, pas assez blanche, trop pareille que dans l'temps, pas assez pareille que dans l'temps, marionnettes plus belles, marionnettes moins belles, appartement du Mile-End trop bobo...), pour ma part, ma inner-féministe est agréablement surprise. Les stéréotypes parentaux d'abord : on voit Perline sabler une étagère qu'elle vient de construire et dont elle est fière : « je m'en viens bonne pour travailler le bois! » dit-elle à Pruneau. Lorsque celui-ci se réveille d'un cauchemar et hurle  « maman! », c'est le père qui arrive pour le réconforter. Et lorsque Cannelle est malade, c'est aussi le père qui reste à la maison pendant qu'on entend à distance la mère dire  « Dépêche-toi Pruneau, je vais être en retard! Bye ma grande! ». Selon l'histoire originale, le père travaille à temps plein en construction et la mère à temps partiel dans un dépanneur, ce qui me fait penser que c'est davantage elle qui s'absenterait du travail pour cause d'enfant malade. Comme d'ailleurs dans la majorité des couples : les Québécoises s’absentent du travail presque deux fois plus que les hommes pour des raisons familiales selon Statistiques Canada. Mais ici, les tâches auprès des enfants semblent être partagées équitablement. A+ pour montrer des rôles parentaux non genrés.

 
La diversité culturelle est aussi réussie. Qu’on pense à Kiwi et Mélodie, des amis des jumeaux, à madame Coucou, à Fardoche bien sûr, même si les principaux protagonistes restent blancs. C'est intégré avec succès, sans que ça fasse tokenism comme le faisait Doualé, mais c'était une autre époque. Et que dire de l’introduction de l'homoparentalité, qui se fait tout naturellement. Ainsi, Cachou a deux mamans, et madame Coucou vit avec son amoureuse. Pour toutes les familles non-hétéros que je connais, j'ai pensé enfin un endroit où ça existe, où les parents peuvent dire à leur marmaille « tu vois, c’est comme nous. », lire : tu es normal, ton modèle de famille existe dans Passe-Partout. Manquerait juste qu'on introduise des personnages d'enfants en garde partagée pour que mon bonheur soit complet! C'est sûr qu'à l'image des critiques que plusieurs ont faites à Caillou, j'aimerais bien que les parents pètent une coche un moment donné juste pour montrer qu'ils sont humains et impatients comme nous. Sinon ça reste un modèle inatteignable, ce calme pédagogico-bienveillant en toutes circonstances.
 
Et que dire de Virgule! Initialement, l'éducatrice à la garderie des enfants s'appelait Carmine, et Virgule était le gardien qui venait parfois à la maison (et dont la marionnette faisait un peu peur!). La marionnette bien plus sympathique de Virgule cumule ici les deux rôles, on le voit donc à la garderie et à la maison. Empathique, imaginatif et réconfortant, Virgule est une figure masculine positive qui nous fait souhaiter qu'il y ait davantage d'éducateurs dans la vraie vie!
 
Quant aux trois personnages principaux, on a vu Passe-Carreau en mécanicienne de vélo aider un Passe-Montagne qui n'y connaissait rien en mécanique. Les trois s'échangent les émotions, les taquineries, les défis sportifs et le care. On sent le regard d’auteurs sensibilisés qui veulent éviter les pièges et sont en phase avec leur société. Pour toutes ces raisons, Passe-Partout passe mon (non-scientifique) test féministe!