Après un été intense à stresser de ne pas avoir de maison, acheter une maison, déménager dans la maison, rénover la maison, en plus de faire pousser deux humains dans mon ventre et de s’occuper de nos deux plus vieilles, mes beaux-parents nous ont fait le cadeau de partir avec les filles pour la fin de semaine.

Pas un dodo... deux! Jackpot.

On a profité de notre première soirée solo pour aller au cinéma pis manger plein de popcorn qui était particulièrement délicieux. J’ai ensuite passé une nuit de marde à faire pipi à toutes les heures. Le matin, j’avais réservé dans notre restaurant préféré à La Baie pour aller déjeuner en amoureux. Quand on va là, c’est pas compliqué, on sait déjà ce que l’on va prendre, soit une poutine déjeuner pour monsieur et un cheeseburger déjeuner pour madame. J’en ai déjà parlé dans un précédent texte, je suis grosse. Pis là, non seulement je suis grosse, mais je suis enceinte de 32 semaines pour une deuxième fois de jumeaux en moins de 15 mois. J’ai pas la shape de Heidi Klum, on se comprends-tu.

Donc voilà, on est assis confortablement, tellement contents d’avoir cette journée pour nous et d’en profiter comme bon nous semble. Je déguste mon chocolat chaud pis y fait beau. À côté de nous sont assises deux jeunes professionnelles. Le contraste entre ce qui semble être leur vie et la mienne est assez marquant, mais t’sais, c’est justement là la beauté de la vie, la diversité en toutes choses. La serveuse vient nous voir pour prendre notre commande, mon amoureux donne la sienne, et moi je me prononce sur le cheeseburger. C’est là qu’une des filles de la table d’à côté me décroche un de ces regards. Le genre de regard un peu moqueur. Le regard de la fille dont la grosseur de mes fesses lui a sauté dans la face. Le regard de la fille qui me juge. Qui trouve dont que manger un burger DÉJEUNER à 10:45 le matin ça a pas de bon sens, surtout si t’es déjà une grosse.

Donc toi, fille qui m’a jugée, sache que ton regard de marde a gâché mon petit déjeuner que je méritais en ostie. Mais ça, tu le sais pas parce que tout ce que t’as vu, c’est ma montagne de bourrelets. D’avoir à entendre vos conversations sur le maintien de la ligne entre chacune de mes exquises bouchées pleine de steak, de fromage et de bacon m’a un peu fait chier sachant qu’elles m’étaient un peu destinées.

Je sais pas si un jour je vais être capable de sortir quelque part et ne pas sentir le poids du jugement des autres sur mon poids qui devrait me regarder moi et moi seule. Je ne sais pas si un jour j’aurai droit au même respect qu'une jeune femme athlétique et sûre d’elle. Je ne sais pas si j’aurai le droit de manger ce que je veux sans me faire reprocher de pas me gaver de salade parce que visiblement j’en ai déjà en masse de coller su’é os et que j’ai pas besoin de carbohydrates inutiles.

Ces dernières années, j’ai vu beaucoup de femmes combattre la grossophobie et les préjugés. Que ce soit Tess Holiday, Joelle Vaillancourt, Jessica Prudencio, Ashley Graham, The Womanhood Project et Safia Nolin pour ne nommer que celles-là. Le genre de regard auquel j’ai eu droit en m’alimentant ce matin-là ne fait que me prouver que le travail de ces femmes est une lutte de tout les instants ô combien crissement nécessaire.

Fuck la grossophobie.