« Qu’est-ce que ta femme fait dans la vie? Elle est mère au foyer. Non, mais je veux dire, comme vrai travail? »
Nous l’avons tous et toutes déjà entendue, celle-là. La dévalorisation inconsciente qui réduit les femmes à la maison à des femmes n’effectuant pas un « vrai » travail. Les gens ne sont pas mal intentionnés, remarquez. Ils n’y pensent simplement pas. Pour eux, être femme au foyer est souvent synonyme de congé, de chance, de « J’aimerais tellement ça pouvoir ne rien faire de mes journées, moi aussi. »
Ils croient réellement que les femmes à la maison passent leurs journées à magasiner des robes chics chez BCBG avec un latté à 12 $ entre les mains, qu’elles vont au spa chaque semaine pour se faire dorloter ou encore qu’elles font du cardio-poussette trois fois par semaine au parc Lafontaine entre trois dîners gastronomiques après avoir fait la grasse matinée.
Toutefois, la vraie vie ne rime pas avec un épisode de Beautés désespérées… La vie n’est pas un feuilleton.
Je ne connais pas beaucoup de femmes étant mères au foyer pour le glam que ça rapporte. Je ne connais pas beaucoup de femmes au foyer passant leur vie chez le coiffeur. C’est que c’est exigeant, s’occuper d’un ou plusieurs enfants à temps plein. La plupart d’entre nous n’en avons aucune idée. Nous allons porter nos petits à la garderie le matin et nous allons les chercher le soir. Nous ne passons pas la majeure partie de la journée avec eux.
Les mères au foyer s’occupent de tout et constituent la ressource de première ligne en tout temps. Lorsqu’elles se lèvent, lorsqu’elles dînent, lorsqu’elles font le ménage de la maison. Elles n’ont pas d’heure de lunch payée par leur employeur, elles. Elles n’ont pas de pauses non plus ni de congés rémunérés. Pas de fonds de pension, pas d’assurance collective. Elles changent toutes les couches, donnent tous les boires, organisent toutes les activités, en plus (bien souvent) de faire le lavage, les repas, etc.
De plus, plusieurs d’entre elles avaient une carrière avant. Carrière qu’elles ont délaissée pour passer davantage de temps avec leurs enfants parce que ça facilitait l’organisation familiale. Néanmoins, ça ne veut pas dire que cela n’a pas représenté un sacrifice pour elles. Ça ne veut pas dire qu’elles sont moins des femmes de tête pour autant. Ça ne veut pas dire qu’elles n’aimeraient pas sortir de la maison et souffler de temps en temps. Ça ne veut pas dire qu’elles ne regardent pas les offres d’emploi discrètement au cas où un emploi intéressant se pointerait le bout du nez…
Être mère au foyer demande un don de soi quasi prodigieux, surtout dans un monde où la valorisation sociale passe par une « grosse carrière. » On dirait que nous ne sommes jamais impressionnés par la maman au foyer. Nous avons tendance à trouver ça mignon, mais surtout archaïque. Par contre, nous sommes ultra impressionnés lorsque nous apprenons qu’une telle est PDG d’entreprise. Ça, ça rime avec succès. Ça, c’est s’émanciper pour vrai. You go girl!
Juste pour qu’on se comprenne : je ne suis pas en train d’écrire qu’un modèle est meilleur que l’autre et n’ai pas en tête de faire dériver le billet en débat féministe. Certaines femmes sont mères au foyer sans que ça représente un sacrifice, alors que d’autres ont hâte de se réaliser à l’extérieur du foyer, ce qui ne les empêche pas de mettre leur carrière sur pause pour quelque temps. Chacune vit sa vie et oui il y aurait (grande) place à l’amélioration, ne serait-ce qu’en termes de congé parental, d’équité salariale, d’opportunités, etc. Cela sera peut-être le sujet d’un prochain billet, qui sait.
Toutefois, en attendant, nous aurions intérêt à mieux choisir nos mots lorsque nous parlons des mamans à la maison. Nous aurions intérêt à penser à ce que ça représente réellement et cesser de prétendre que ces femmes se font payer la traite et sont en congé à longueur d’année. Parce que c’est faux. Ces femmes ne sont pas en congé. Encore moins en congé payé.
Êtes-vous mère au foyer? Qu’êtes-vous tannées d’entendre à ce propos?