H. a eu une enfance qui l’a menée à quitter le domicile familial à 15 ans pour se retrouver à la rue. Peu à peu, elle s’est reconstruite. Voici le portrait d’une maman qui, partie de rien, tente de léguer envers et contre tout, le meilleur d’elle-même à son enfant.
Comment décririez-vous votre famille?
Petite famille constituée de trois personnes, fiston (au primaire), son père qui n’habite pas au Québec et moi, née ici, comme fiston.
Qu’est-ce qui vous distingue?
Peu de choses visibles. Notre couple témoigne d’une certaine mixité culturelle, mais rien de très exotique. Ce qui est moins visible est une blessure profonde que je traîne et qui me rend très consciente de mes limites. J’ai eu une enfance marquante : j’ai baigné dans un milieu que je considère comme cruel et inadapté pour la saine éducation. Les enfants y sont réduits à néant, avec un mépris total de leur ressenti.
Je suis partie du domicile familial à 15 ans, espérant pouvoir déconstruire le modèle que j’avais reçu et panser mes plaies. Je me suis donné 15 ans pour y parvenir. Je me disais que vers 30 ans, j’aurais probablement guéri assez de blessures émotionnelles pour pouvoir être mère. Ayant vécu une enfance douloureuse et malsaine, je ne voyais pas en quoi j’étais équipée pour être une bonne mère. Il a fallu que je creuse au plus profond de moi pour le devenir malgré tout.
Quels sont les avantages de votre famille?
Être mère est quelque chose dont je rêvais, tout en sachant très bien que si je faisais un enfant avant d’avoir réglé certains aspects de ma vie, je ne ferais que reproduire ce que j’avais reçu. C’est-à-dire que j’allais détruire un être qui ne le méritait pas. Ces questions de vivre ensemble, de socialisation, de comment prendre soin d’un enfant ont orienté toute ma vie.
Et quelles en sont les difficultés?
Mon fils est conscient du climat qui règne dans ma propre famille et, même si j’essaie de le dissimuler, il voit que sa maman a eu une enfance brisée. Ça ne se cache pas, j’ai ce handicap dont je ne guérirai jamais. J’aurais tellement voulu être plus, être mieux. Aurais-je dû m’abstenir de faire un enfant, me sachant aussi pockée?
En plus, malgré tous mes efforts, nous sommes encore précaires! Je constate que je suis loin d’offrir à mon fils tout ce qu’il mérite, sans soucis financiers, sans stress. J’aimerais lui offrir les cours qu’il demande ou même un petit voyage. Mais nous sommes vraiment pauvres. Papa a un statut de touriste au pays et je n’ai pas un revenu suffisant pour notre famille.
Avez-vous déjà ressenti le poids du regard des autres sur votre famille?
Des gens peuvent me juger, car j’ai plein de défauts qui font de moi une mère qu’on pourrait qualifier d’indigne : je fume, je sacre, je suis parfois agressive. Mais je sais que ces gens savent peu de choses sur moi. S’ils savaient d’où je viens, ils me regarderaient avec plus de respect. J’ai vraiment travaillé sur moi pour me sortir d’un pattern des plus destructifs. Mais la plupart des gens trouvent que mon fils est adorable, c’est un ange! Et puis, au moins, on s’aime et on a un fils épatant qui ne manque pas d’amour.
Source : H.