Monsieur Yves Bolduc, ministre de l’Éducation,
D’emblée, je dois vous faire un aveu : vous n’êtes pas mon préféré. Cela dit, Maman m’a bien élevée et m’a appris à respecter les gens, même ceux que je ne préfère pas. (Voyez, je suis même polie. Remerciez-la.) Bref, Maman m’a aussi expliqué qu’il y a du bon en chacun de nous (un peu judéo-chrétien, je sais).
J’ose donc croire (parce que je ne veux pas faire honte à Maman) que vos propos ont dépassé votre pensée. Vous êtes un médecin, ce n’est pas de votre faute si vous avez envisagé la situation en médecin : l’absence de livre ne tue pas (pas littéralement, du moins).
En tant que prof de littérature, que maman et que lectrice (à voix haute et dans ma tête), je prends sur moi de vous instruire (aimablement) des raisons pour lesquelles lire des livres, ben, c’est important à la vie des enfants.
Raisons éducatives, non exhaustives (dans le désordre) :
- parce qu’ils stimulent l’imaginaire des enfants;
- parce qu’ils sont des amis fidèles;
- parce qu’ils éveillent la curiosité;
- parce qu’ils trompent l’ennui;
- parce qu’ils confrontent la réalité de l’enfant à celle des personnages;
- parce qu’ils éduquent;
- parce qu’ils exercent l’esprit critique des enfants;
- parce qu’ils permettent aux enfants d’apprendre la tolérance;
- parce qu’ils font naître l’empathie dans le cœur des enfants;
- parce qu’ils rendent les humains plus humains.
Raisons économiques (avouez que j’ai votre attention, là!)
- parce que contrairement aux tablettes électroniques, un livre qui tombe ne se brise pas (coût de remplacement moindre);
- parce qu’au pire, un livre brisé, ça ne coûte que 20 $ à remplacer (tout au plus);
- parce que dans le meilleur des cas, du papier collant peut réparer la page (quelques sous du centimètre!);
- parce que les livres c’est bigrement moins cher que des tablettes électroniques (et que des tableaux blancs «intelligents») just saying;
- parce que l’enfant peut ramener un livre à la maison pour continuer de le lire, mais il peut difficilement faire de même avec un tableau blanc;
- parce que l’analphabétisme coûte cher à la société (santé et Cie), you know.
Raisons subjectives (dans le désordre, toujours) :
- parce qu’ils donnent une pause silencieuse aux parents (et aux profs!);
- parce qu’être nerd c’est rendu in;
- parce qu’une bibliothèque bien garnie, c’est beau;
- parce qu’en tant qu’objet, un livre, c’est beau;
- parce qu’un enfant qui lit, c’est terriblement beau!
Monsieur le ministre, mes enfants sont chanceux. Ils sont nés dans une maison remplie de livres. Tous les enfants n’ont pas cette chance. Tous les enfants n’ont pas des parents qui ont les moyens financiers de garnir les bibliothèques de la maison. Pour certains, 10-20 $ le livre, c’est cher.
C’est là que les bibliothèques des écoles deviennent importantes.
Bien entendu, les enfants ne vont pas mourir (physiquement) si leur bibliothèque scolaire n’achète pas de nouveaux livres. Mais un esprit qui n’est pas stimulé, lui le peut, mourir.
Cordialement,
Emilie Sarah Caravecchia
Ancienne enfant qui a eu la chance de lire plein de livres dans les bibliothèques scolaires.