Mes parents ne nous ont jamais assez aimées pour bien se séparer.
 
Ils préféraient se chicaner, ils préféraient se déchirer. J’ai des souvenirs de vaisselle cassée, de petites filles collées qui attendent que ça passe.

Mes parents ne nous ont jamais assez aimées pour comprendre que nous ne comprenions pas.
 
Ils ont préféré se battre, s’insulter et nous utiliser pour faire mal à l’autre. Avec des mots et avec des lettres que nous devions livrer. Avec des enregistrements téléphoniques ou des conversations d’adulte qu’ils ne prenaient même pas la peine de nous cacher.
 
Mes parents ne nous ont pas assez aimées pour réaliser à quel point ça nous faisait mal de nous retrouver au milieu de ce grand champ de bataille.
 
Ils nous ont traînées à la Cour, nous ont engagé des avocats et ont essayé de contrôler ce qu’on leur disait. Ils nous ont fait manquer l’école pour témoigner devant des juges, nous ont demandé de « Ne pas oublier de dire que… ».
 
Mes parents ne nous ont pas assez aimées pour voir que nous n’étions pas équipées pour faire face à tant de haine.
 
Ils ne sont pas venus à mes remises de diplôme ni aux moments importants de nos vies d’enfants et d’adultes, de peur de croiser l’autre. Ils ont taché notre fierté par leur absence et lorsque nous nous efforcions de trouver des réponses aux « Comment ça tes parents sont pas là? ».
 
Mes parents ne nous ont pas assez aimées pour voir notre détresse et nos angoisses de jour et de nuit.
 
Ils étaient trop aveuglés par leur animosité mutuelle pour voir leur enfant sombrer dans la boulimie devant mes yeux impuissants. Ils n’ont vu ni les larmes ni les appels à l’aide. Ils avaient des avocats à appeler, des papiers à envoyer.
 
J’aime assez mes parents pour leur pardonner, mais je m’aime aussi assez pour les garder à une distance non toxique de moi et de mon enfant. Je ne pourrai jamais comprendre ce qui a pu les habiter lors de cette séparation maintenant que j’ai moi-même un bébé que je protégerais contre vents et marées.

Vos parents vous ont-ils assez aimés? Aimerez-vous aussi assez vos enfants?