À l’été 2013, j’ai fait une fausse couche. Rien de si exceptionnel, j’étais enceinte de quelques semaines à peine et les statistiques ont fait leur job.

Ce ne sont pas les statistiques qui m’ont réconfortée quand je me suis mise à saigner comme si j’avais mes règles, mais puissance 10, ce fameux matin. Non. 

Ce ne sont pas non plus les statistiques qui m’ont dit, quand je me suis présentée, inquiète, à l’urgence de l’hôpital Jean-Talon que « Ben, c’est sans doute une fausse couche, pis y’a pas grand-chose à faire. Tant qu’à saigner ici, ‘seriez mieux d’aller saigner chez vous. »

Non, c’était l’infirmière au prétriage qui m'a dit ça. La madame qui t’accueille pour rien, parce que c’est pas elle anyway qui décide de l’importance de ton cas. Même pas elle qui te demande de signer le formulaire que tu signes tout le temps sans le lire. Bref, la personne qui m’a dit en pleine face ce dont je me doutais déjà, ben c’était une fille derrière une vitre qui ne m’a jamais même regardée dans les yeux. Elle était trop occupée à faire je-sais-pas-trop-quoi, dont sortir des phrases de même. 

Ce que je sais, par contre, c’est que ça ne s’est pas amélioré par la suite. J’ai vu deux médecins ce jour-là. Processus de fausse couche confirmé, OK. Mais surtout : « On ne peut rien faire pour vous, le corps fera son travail. »

Mais le travail, mon corps ne le faisait pas. Ou le faisait en slackant solide sur la job. Mon corps avait sans doute callé off sans m’avertir. Bref, après deux semaines d’allers-retours à l’hôpital parce que je saignais ma vie sans évacuer l’embryon, le corps médical n'avait pas l’air de vouloir plus se mettre à l’ouvrage.

On m’a finalement envoyée en consultation externe au bout de 23 jours, « Au pire, on va vous décoller ça » (oui, exactement ces mots). Sauf que le jour J, après avoir attendu plus de deux heures dans la salle d’attente, le médecin de garde s’est confondu en excuses : « On a prêté notre équipement à une clinique de cardiologie, je ne peux pas vous faire d’échographie, mais je peux vous faire un examen gynécologique. » TU ME NIAISES?

Retour à la case départ, aller me coucher en position fœtale en braillant de douleur, trois serviettes hygiéniques savamment disposées dans ma petite culotte. 

Entre les multiples pertes de mon dossier, les he says, she says, les rendez-vous où je devais me présenter à jeun pour finalement me faire dire qu’on s’était trompé, où moi je ne devais pas être à jeun, je devais « juste » avoir bu 3 litres d’eau en 30 minutes sans uriner, ben je suis finalement arrivée au moment où la médecine a décidé de m’aider. 28 jours après mes premiers saignements. 28 fuckin’  jours. Un cycle complet.

Je me suis couchée sur la table, prête à subir ce que mon corps ne voulait pas faire, ce que tous les médecins vus avant refusaient de faire malgré ma situation.

Échographie de routine avant, t'sais, c’est dans le protocole. Et là : « Ah, mais vous n’avez plus rien ma petite dame, ça a dû partir dans les dernières 24 heures, vous êtes chanceuse! ».

Chanceuse en crisse. Meh.