Le 31 au soir, après avoir englouti une douzaine d’huitres avant d’aller fêter le Nouvel An chez des amis, je jouais sur mon cellulaire pour passer le temps. C'est à ce moment que notre belle Manal a fait sa montée de lait sur le « fameux » palmarès des (Z)imparfaites.

Fait que, une semaine plus tard, je vous explique ici les raisons de mon malaise parce que je trouve ça important de mettre de la perspective dans du lol facile. Pourquoi pas avant? Parce que j’ai aussi besoin de vacances! Ha. 

En 2015, ne rit pas qui veut de n’importe quoi

Peut-être parce que j’ai des origines grecques pis que ma cousine s’appelle Katerina, parce qu’en grec, ben ça s’écrit de même, Catherine. Peut-être parce que je me criss profondément de comment une personne se nomme, car ça n’appartient pas à la sphère publique. Peut-être que pour tout ça et plein d'autres raisons, je trouve qu’il y a des limites au lol et que, des fois, il faut le dire haut et fort. 

Partout sur internet, j’ai vu des justifications que c’était « rire en prévention » (!) pour préparer les jeunes à se faire niaiser plus tard (!!), qu’on ne riait techniquement pas des enfants, mais de leurs parents (!), qu’on était au Québec et qu’il faut penser à ça avant de nommer son kid (!)… Une personne a même remis en question le droit d’avoir des enfants pour ceux qui sortent trop des sentiers battus quand vient le temps de nommer leur progéniture. 

Dans la forme, si la liste avait seulement été une liste sans commentaire, je crois que ça aurait démontré plus de finesse. Déjà qu’on rit des prénoms donnés à des bébés, quand ils sont bébés, c’est mieux de pas trop appuyer. 

Ça fait longtemps que je fais de l’internet et après plusieurs frasques d'autres blogueurs et moi-même (avec des opinions parfois trop empreintes de sarcasme), je crois qu’en 2015, on peut se poser des questions avant de rire de quelque chose d’aussi personnel qu'un prénom. Peut-être aussi parce que le fameux « vivre et laisser vivre », mentionné si souvent sur internet, devrait vraiment être compris un manné. Je mets l’accent là-dessus parce qu’un nom, c’est une décision des parents et de personne d’autre. 

Manque de recherche et de rigueur

J’ai eu les yeux qui ont frisé (genre) quand j’ai vu que plusieurs noms provenaient de différentes origines culturelles et qu’en faisant un minimum de recherche, on pouvait facilement comprendre le pourquoi de ces noms-là. Quand on vit dans un autre pays et qu’on décide d’immigrer pour avoir une meilleure qualité de vie, on ne se dit pas « fudge, on ne peut pas vivre là-bas, mon nom sonne vraiment trop étrange ».

Je pense que ce qui m’a le plus dérangé en fait, c’est les justifications faites dans l’article sur le palmarès des prénoms dans La Presse. Ça et le fait que les noms sont rapportés par monsieur et madame tout le monde et qu’il n’y a aucune vérification de la part des auteurs de la liste. Je ne sais pas si le concept de troll dit quelque chose à quelqu’un, mais c’est super facile de faire des blagues ou d’inventer des trucs avec ce genre de méthode. 

Clitorine, Maxynee pis toute

C’est fou parce qu’en faisant une recherche dans le RRQ - La banque des prénoms, on peut facilement voir que Clitorine est une légende urbaine. Force est de constater que la montée des sites de fausses nouvelles ne poussent pas certaines personnes à chercher plus loin que le bout de leur nez. 

Plusieurs prénoms (par exemple, inspirés de la religion) vont s’écrire d’une façon différente selon l’origine de la personne. C’est ce qui fait que Katerina, ma cousine, écrit son nom de la sorte. Pas pour choquer, pas pour être plus originale qu’une autre, mais bien parce que son côté grec à le droit de prendre la place qui lui revient, comme avec l’orthographe de son nom. 

Aussi, mini seconde de culture générale, mais les apostrophes dans l'épellation des prénoms sont apparus avec une vague de protestation chez les Afro-Américains pour distinguer leur prénom de ceux de leurs oppresseurs. Dit de même, je trouve ça crissement pas drôle d’en rire après. Plus d’infos dans ce documentaire ou cet article qui explique pourquoi la recherche d’originalité des prénoms est importante chez les Afro-Américains

Apprendre la tolérance

Quand j’étais au secondaire, même mon prof de géographie riait de mon nom de famille. On riait tellement de Carolane et moi que nous avons souvent mangé aux toilettes en attendant que la bibliothèque ouvre pour ne pas se faire niaiser le midi.

Fait que rire de quelqu’un, pour rire de quelqu’un ou parce qu’on ne comprend pas, ça ne passe pas pour moi. Je vis peut-être dans une bulle, mais je trouve ça important d'enseigner à mon enfant la tolérance et l’ouverture envers les autres origines et pour les trucs qui sortent du quotidien. Parce que c’est comme ça qu’on change sa vision du monde.

Et oui, j'ai déjà loler d'un nom, mais il y a une grande différence entre le faire dans la sphère publique et le faire dans la sphère privé. Disons que maintenant que j'ai un enfant et qu'il aura tendance à répéter mes comportements, je vais essayer de ne plus le faire. 

P.-S. Heille, les (Z)imparfaites, je vous en veux pas personnellement. Je crois juste que c'est important de nuancer un peu le fait « d’avoir de l’autodérision » quand on est différent des autres. J'ai déjà hâte de lire votre livre parce que j'aime donner une chance au coureur.