(Première partie de l'histoire, ici.)

Fin de l’été 2003. Fallait partir. Vite. On dit que lorsqu’on vit un choc, notre cerveau arrête d’enregistrer. Je confirme que c'est vrai. Il me semble avoir un souvenir de Joe qui me disait doucement qu’on devrait quitter Montréal et revenir aux sources. Que déménager dans ma ville natale serait une bonne idée. On donnerait des cours de théâtre et on partirait notre ligue d’improvisation.
 
On l’a fait. Ça nous a pris moins d’un mois. Mais quel mois de marde. Nous sommes partis si vite qu’on n’a pas « eu le temps » d’apporter nos mes électros, nos mes meubles et mes souvenirs. Pire encore. On Je devais laisser mon chat Mia derrière. Ceux qui me connaissent savent que je suis une grande amoureuse des animaux. Ma Mia était tout pour moi. Mais Joe m’a rassurée en me disant que son « collègue de travail » qui, par le plus beau des hasards, avait « accepté » de sous-louer notre mon appartement (malgré le fait qu’il avait déjà son propre appartement) adorait les chats et qu’il allait en prendre grand soin jusqu’à ce qu’on revienne la chercher.
 
Voyez-vous, on savait dans quelle ville on habiterait. Mais on n’avait pas d’adresse. Alors à quoi bon déménager tout ce stock si on n’avait pas de place pour l’y mettre ? Anyways, aller chercher tout ça serait une affaire de rien. Un p’tit treize heures aller-retour (avec notre pas d'char), that’s it.
 
J’ai pas de maîtrise, ni de doctorat, mais il me semble que j’aurais dû allumer, step up pis dire « Hey, m’sieur Tannant, j’veux pas te vexer, mais ton projet, y’est plein d’marde. ». Mais plus j’avance dans l’écriture de ce texte, plus je réalise que la raison d’une victime de violence conjugale n’existe pas. Sa raison n'a pas le temps d'exister, car elle essaie constamment de reprendre son souffle. 
 
Nous avons habité chez mes parents jusqu’à ce qu’on se trouve quelque chose. C’est le rêve de toutes les jeunes fringantes dans la vingtaine ça, right ? Nous étions seuls dans la maison, puisque mes parents travaillaient hors de la ville. Joe a donc pu pratiquer une de ses activités de prédilection : me faire peur au point où je m’enferme dans une pièce, puis défoncer la porte. Y’aimait b'en ça, défoncer des portes. Me faire passer pour une grosse conne alors que j’essayais de faire croire à mes parents que leur porte avait été défoncée par un cambrioleur qui n’avait rien cambriolé lui a également procuré beaucoup de plaisir.
 
Les relations entre nous, mes parents et moi commençaient à s’envenimer, au point où je devais faire un choix. Eux ou lui. Évidemment, ce ne sont pas mes parents qui m'ont demandé de faire ce choix.

Je n’avais plus mes amis montréalais. Je n’avais plus ma famille. Pis moi? J’m’avais plus, depuis un bon moment. Je ne pouvais même pas me sentir toute seule. C’est fucké à écrire, parce que je ne comprenais même pas ça à l’époque même où je le vivais.
 
J'avais une chose, par contre : un gros montant d’argent en attente. Un héritage. Il le savait. Alors on a décidé d’acheter une maison.
 
Je ne crois pas pouvoir revoir cette maison un jour. Ça me rendrait malade.
 
Non. L’histoire n’est pas terminée.

Avez-vous déjà eu à choisir entre un(e) conjoint(e) et des êtres chers?