La Semaine nationale de la santé mentale a débuté hier. C'est un sujet qui me touche particulièrement. J'essaie d'en parler relativement ouvertement, mais les tabous sont encore assez forts : on finit toujours par mentionner le problème à voix basse, dans un coin, en séchant ses larmes rapidement, par peur que notre employeur ne nous juge pas apte au boulot qu'on a à faire, ou par crainte d'être jugé en tant que parent.

On traîne sa petite maladie comme un secret, on remet le masque. On rush, mais on ne veut pas le montrer. On s'écroule parfois, et on se sent comme si on avait échoué.

On fait endurer le pire aux gens que l'on aime. On essaie de se comprendre, sans être capable de mettre des mots sur les maux, la rage, la déconnexion, l'angoisse, l'espèce de bourdonnement insupportable qu'on ressent. Cette agitation. On finit par penser qu'on est juste fou, qu'on n'aura jamais une vie tout à fait normale.

On hésite à aller chercher de l'aide. Dans mon cas, c'est le maudit syndrome de l'imposteur : j'ai toujours peur qu'on pense que j'essaie de me trouver intéressante, de me trouver des problèmes. On entend souvent ça, qu'il y a trop de médicaments, que la dépression est à la mode, que tout le monde à une maladie mentale, un TDAH, une petite faille.

Mais finalement, quand on se décide, parce qu'à bout de souffle, à bout de nerfs, à bout de toute, à bout de la vie, à contempler l'envie d'en finir, parce qu'on se dit qu'on ne pourra pas survivre 40-50 ans avec une tempête dans la tête, qu'on ne pourra pas faire subir ça aux autres, qu'on ne veut pas gâcher son enfant ou qu'on ne sera jamais capable de rester en couple parce qu'on est trop insupportable, quand finalement, on laisse entrevoir la laideur qu'il y a vraiment à l'intérieur, l'espèce de trou noir, la spirale qui nous engouffre et qui aspire tout le beau du monde, on se rend compte qu'il y a des explications à ces gestes qu'on pose, à ces crises qu'on traverse, à ces sentiments qu'on n'arrive pas à s'expliquer.

Je suis en processus d'obtention d'un diagnostic de trouble de personnalité limite. Ça fait des années, des dépressions, des idées suicidaires, des crises d'anxiété, des relations malmenées, des comportements malsains et auto-destructeurs, de consommation de toutes sortes, de l'hypersensibilité en masse, que je me demande ce qui « ne va pas » avec moi. Ça fait longtemps que je me doute que c'est peut-être ça, mais cette fois-ci, j'ai décidé d'aller jusqu'au bout et de faire les démarches. Juste en jasant avec la TS du CLSC, en lui parlant de trucs que je ne pensais même pas être reliés, ça m'a permis de faire des liens, de comprendre un peu plus. Je considère que je n'en suis qu'au tout début de mon « voyage » vers la compréhension de ce que je suis.

Depuis des mois maintenant, ça ne va pas. J'ai l'impression d'être une bombe à retardement, d'être prête à exploser à tout moment. Je me sens inadéquate comme mère, cruelle parfois comme conjointe, inégale comme amie, et souvent trop distraite comme employée. Une minute, tout va bien, puis le changement d'humeur se produit et c'est instantané et incontrôlable. C'est surtout ça : je n'ai pas le contrôle, je ne suis pas maître de moi-même. Depuis toujours, je sens deux parties de moi en conflit, elles n'arrivent pas à s'accorder, elles sont toujours en confrontation. Et celle que je n'aime pas gagne souvent, ces temps-ci, au détriment de ma vie familiale, entre autres. 

J'en parle aujourd'hui parce que je pense qu'il faut le briser, le maudit tabou autour de la maladie mentale. Je fais de mon mieux, depuis des années, sans même savoir. J'essaie, je lutte. Oui, je suis de toutes les luttes, on me l'a souvent fait remarqué. C'est un moyen de me jeter dans quelque chose pour ne plus me sentir. Mais la plus grande lutte que je mène, elle est contre moi-même.