Nous étions prêts. Nous parlions du projet depuis plusieurs années avec notre famille, nos amis, même mon employeur. J’avais même commencé Materna 6 mois avant, question que mon corps ait tout ce qu’il faut. Comme tant d’autres couples, nous avons arrêté la contraception avec beaucoup d’enthousiasme. Trois mois plus tard, nous avons réussi. On ne pouvait pas demander mieux.
Vient le temps de prendre les choses au sérieux. Trouver une maison de naissance, une sage-femme un médecin qui a bien voulu nous prendre. Planifier les cours prénataux. Annoncer la nouvelle à nos parents, à nos amis les plus proches, mais pas à trop de gens, on ne sait jamais… Préparer le terrain à la job; de toute façon, les symptômes deviennent difficiles à cacher. Se présenter pour la sonde. Ne pas entendre le cœur. Avoir des doutes. Se présenter à l’écho de 11 semaines. Apprendre qu’il n’y a plus personne dans le sac…
Je ne peux pas dire que je n’avais pas été avertie. On l’entend souvent, une grossesse sur 5 finit en fausse couche, presque systématiquement dans le premier trimestre. Le nombre est d’autant plus grand à la première grossesse. Un sur trois qu’on m’a dit. J’avais aussi CE sentiment depuis quelques jours avant l’écho. Nous avons décidé d’éviter le curetage, l’aspiration, les comprimés. Pour nous, le bébé était arrivé si simplement. Sauf si problème, il sortirait naturellement. Nous avons eu de la peine, on a trouvé ça injuste et assez dévastateur pour le corps. J’essayais d’être positive.C’est un peu comme une pratique à un accouchement, non? Non.
Je me suis inquiétée des saignements. Je tentais d’être alerte à tous les signes. Curieuse et de nature prévoyante, j’ai cherché des informations sur Internet pour être préparée. Je n’ai pas trouvé grand chose de concret. Plusieurs sites dressaient la liste des symptômes communs, quelques femmes sur des forums racontaient leur histoire. J’en suis arrivée à la conclusion qu’il y a autant de scénarios que de femmes et que si tant sont passées par là, j’y arriverais bien moi aussi.
Ça a duré plusieurs heures, qui sont devenues des jours, et des semaines. J’ai eu beaucoup de soutien du milieu médical. Je suis restée en contact avec ma famille et les amis à qui je l’avais appris, par message texte uniquement. Je n’étais pas prête à voir qui que ce soit.
À un certain moment donné, ça s’est mis à beaucoup trop saigner. Saigner à un point où tous les services de santé te disent que tu es déjà fêlée de ne pas être à l’urgence. J’y suis allée, on a stabilisé mon rythme cardiaque, fait augmenter ma pression, on m’a branchée sur des poches et des poches de soluté. On m’a finalement laissé retourner à la maison, avec des comprimés de fer à faire rougir tout brocoli. Je ne peux pas dire que j’ai tout compris ce qui s’est passé pendant ces semaines-là.
À travers tout ça, la peine, la douleur, la peur, ce n’est pas ce que je retiens. J’ai dû annoncer à pas mal de gens pourquoi j’ai été plus discrète qu’à l’habitude, pourquoi j’ai manqué une semaine de travail. À toutes les fois, on m’a répondu « c’est arrivé à ma soeur » ou « … à ma meilleure amie. » On la connait la statistique, mais on n’a pas conscience que TOUT LE MONDE connait une femme très proche à qui c’est arrivé. Tout de même, on n’en parle pas. On a honte? On est trop amochée? On a le goût de passer à autre chose et tout de suite se mettre en mode prochain bébé? On a trop de peine?
Ce que je retiens, c’est qu’on n’en parle pas assez. Ce sujet-là ne devrait pas être tabou et non, ce n’est pas une bonne idée de le cacher à nos proches avant la 12e semaine. Si c’est à toi que ça arrive (je ne te le souhaite pas, crois-moi!), tu veux avoir des gens avec qui en parler ou en pleurer un peu. Tu ne peux pas faire comme si rien n’était arrivé, c’est bel et bien le cas. Tu veux avoir des gens à qui poser des questions pour te rassurer : pas après, pendant! Il est bien coopératif, le corps médical, mais il n’y a rien comme en discuter avec un proche à qui c’est réellement arrivé. Même sur un blogue s’il le faut…
Et vous, faites-vous partie de la statistique? En avez-vous parlé?