Salut ma toute belle boule de vie,

T’es même pas encore née que je t’écris. Ça doit être ça une grossesse sympathique, j’ai les hormones dans le tapis. Je t’écris parce que j’ai un peu la chienne. Pas la même chienne que pour ton grand-frère. Non, ça c’était la peur de l’inconnu. J’ai peur parce que je vais avoir une petite fille.

Entendons-nous tout de suite, tu n’es pas fragile. Je n’arrête pas de dire à ta maman que tu n’es pas un bibelot maintenant alors ça ne risque pas de changer lorsque tu seras née. En plus, j’ai de l’expérience dans la prise du bébé maintenant. Ce que je veux dire c’est que je n’ai pas la chienne de t’échapper ou de te briser.

J'ai peur du monde.

C’est le monde qui nous entoure qui me fait peur ces temps-ci. J’ai beau me faire répéter ad nauseam  qu’il n’y a jamais eu meilleur temps qu’aujourd’hui pour être une femme en Amérique du Nord, je n’y crois tout simplement pas. Même quand ce sont mes amies féministes full fortes qui me le disent. Je suis désolé les filles, mais les statistiques ne sont pas de votre bord.

L’égalité homme-femme, elle est loin d’être atteinte. D’abord, peut-être que si on appelait ça l’égalité femme-homme ce serait déjà mieux parti. J’ai peur pour toi parce que je ne pourrai pas te protéger de la différentiation salariale qui subsiste encore et toujours dans nos sociétés occidentales malgré plein de belles avancées.

J’ai peur parce que je jasais avec Eve-Lyne Couturier de l’Institut de recherche et d’information socioéconomique (IRIS) l’autre jour et qu’elle me disait que les mesures d’austérité qui n’ont pas fini de finir ne se content pas de frapper les femmes en premier. Non madame, elles risquent même d’annuler les gains et de reléguer l’égalité aux calendes grecques (sans mauvais jeu de mots). Si tu ne me crois pas, tu peux écouter.
 

J'ai peur des malades.

Je m’étais juré que je ne serais pas le genre de père qui va s’offusquer du fait que sa fille a un petit copain. Parce que c’est super paternaliste. Tu ne m’appartiens pas, tu es toute à toi. Mais il y a les malades. Il y a les Roosh V, il y a les chums qui pètent une coche et assassinent froidement leurs conjointes enceintes et feignent d’avoir b'en de la peine qu’elles soient disparues.

Il y a ceux qui manipulent, ceux qui trichent, ceux qui te réduise une confiance en soi à néant par leurs paroles assassines. J’ai peur parce qu’il y a toute cette violence encore qui vise les femmes parce qu’elles sont femmes et fortes.

En même temps, à ressentir les coups de pied puissants que tu donnes depuis le ventre de ta maman, tu es déjà forte. Et si tu tiens de ta mère, tu le seras tout autant de caractère. Tu arrives bientôt, mais d’ici à ce que tu sois grande, je ferai tout en mon possible pour rendre le monde plus accueillant, même si j’ai terriblement peur.

Je t’aime déjà énormément,

Ton papa.