Ça fait que je braille un peu en pensant à ce que je vais écrire, parce que ce n'est plus seulement de l'expectation, c'est le réel. Ce n'est plus seulement prévoir le saut en parachute, c'est se pitcher en bas de l'avion. Ça fout la trouille au max., ça fait danser frénétiquement les papillons dans le bedon, ça exalte, ça capote, ça fait tous les temps. Je viens de prendre ma dernière pilule.

Je braille parce que je m'apprête à commencer la plus grande aventure de ma vie, celle de devenir parent. T'sais, un jour, je vais entendre quelqu'un m'appeler maman. J'ai eu la chance d'avoir un sacré modèle et la barre est haute pour lui arriver à la cheville. J'espère que je serai aussi parfaite qu'elle, j'espère qu'elle sera fière de la mère que je serai, j'espère, j'espère, j'espère.

Je braille parce que j'ai peur aussi. Je me sens comme si je marchais à tâtons dans le bois à la noirceur pis que j'avais toujours peur de tomber sur un ours, de me péter la gueule ou de me perdre en chemin. Tout est inconnu et je n'ai aucun point de repère. C'est comme si j'essayais d'allumer une chandelle pis qu'il y avait toujours un coup de vent pour l'éteindre, comme si mes yeux n'étaient pas capables de s'habituer dans le noir.  

Je braille parce qu'en même temps, c'est donc beau. C'est ben magique de trouver une personne avec qui t'as envie de créer un petit être humain qui va vous lier pour le reste de votre vie. C'est complètement fou, complètement doux, de se dire : toé pis moé, on s'en va essayer d'être trois à c't'heure, essayer d'additionner un « un » à notre « deux », de changer notre duo de bonheur pour un trio d'euphorie.   

Je braille parce que t'sais, la vie va tellement vite, vite déjà, et que je ne sais pas toujours comment la retenir, comment profiter de tous ces moments qui me passent sous le nez trop rapidement. Comment vais-je faire pour me rassasier de chaque instant, pour ne pas constamment me dire que j'aurais donc dû prendre plus de photos, faire plus de vidéos, le checker un peu plus dormir parce qu'il est donc beau, juste tout le temps?

Je braille parce que j'imagine déjà le pire, s'il fallait que peut-être, que si. Juste un moment d'inattention, un fuck dans la production, un terme qui arrive avant le point, un cas isolé, un accident vite arrivé, t'sais. Si jamais il se passe quelque chose qui fait que la vie de mon futur bébé, même pas encore dans ma bedaine, est en danger, je vais passer toute une vie à me blâmer. Même si je sais pis que je rationalise, au fond de mon cœur, ça va toujours être amer comme un p'tit goût de « revenez-y » qui brûle le fond de la gorge.

J'ai de la peine, mais c'est une belle peine douce. Ça arrose juste assez le jardin des possibles qui me pousse dans le cœur. Ça fait des bourgeons de p'tit bonheur de printemps dans chacun de mes sourires. Ça fait pousser des fleurs qui éclosent dans un party de confettis dans ma tête. Ça fait rayonner le soleil dans mes yeux en espérant qu'on va faire pogner rapidement la vie dans le fond de mon ventre. Pis après, il nous restera à tenir ça au chaud, chaud, chaud pendant neuf mois.

Un jour, ce sera mon bébé que je tiendrai dans mes bras.
Crédit : Valérie Longpré

 

Comment avez-vous vécu l'instant, vous et votre dernière pilule?