Cher Monsieur Barrette,
 
J’aimerais revenir sur la mort annoncée du programme de procréation assistée dans le cadre du projet de loi 20. Le sujet n’est pas particulièrement d’actualité en ce moment et c’est justement pourquoi je le ramène sur le tapis.
 
Je me doute bien que vous ayez d’autres préoccupations. Je crois que c’est une partie du problème, et ce, auprès de la population en général. La majorité des gens qui n’ont pas de problème de fertilité, eh bien, ils n’ont pas en tête l’infertilité des autres. C'est normal. En comparaison, le cancer touche plus de gens et il est susceptible de tous nous toucher un jour. Ça nous préoccupe. Mais l’infertilité?

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L’infertilité est le résultat d'une maladie. Dans certains cas, on en connaît le nom, dans d’autres, non. Il s'agit alors d'une cause encore inconnue, mais ça reste une maladie quand même. Si je fais une réflexion grossière, vite de même, l’assurance-maladie est là pour couvrir les dépenses liées au traitement des maladies.

Il est vrai que nous ne mourons pas de l’infertilité, qu’avoir un enfant n’est pas une obligation dans la vie, que c’est plutôt un choix personnel. Un choix personnel comme fumer, par exemple, ou subir une vasectomie, ne pas faire 30 minutes d’exercice par jour, etc.
 
Pourtant, socialement, nous avons fait le (bon) choix de payer pour les cancers du poumon des fumeurs. Nous avons fait le choix de payer pour un paquet d’interventions qui relèvent d’un choix de vie personnel, alors pourquoi pas les traitements contre l’infertilité? C’est dispendieux et le programme coûte plus cher que prévu, c’est vrai. Il n’empêche que notre société a fait le choix de la gratuité des soins de santé et que les traitements de fertilité relèvent du domaine de ces dits soins.
 
Sans ce programme, je n’aurais probablement jamais pu débourser la somme nécessaire pour mes traitements. Vous, vous le savez certainement, mais pour le bénéfice de toutes les personnes qui ont la malchance de ne pas connaître le vaste monde de la fertilité, sachez qu’un essai pour une fécondation in vitro, sans aucune garantie de résultat d’un bébé, coûte entre 10 000 et 15 000 $ (examens en vue d'un diagnostic, médication, intervention, essais/erreurs, etc).

Vous avez annoncé des crédits d’impôt en remplacement du programme de gratuité. Dans ma situation, les crédits d’impôt tels qu’annoncés auraient remboursé l’équivalent d’environ 20 % de ce montant. Je ne sais pas comment réagiraient les gens si les traitements pour leurs bobos étaient remboursés de seulement 20 %.
 
Les balises du programme, tel qu’il existe encore pour l’instant, mériteraient d'être revues, mais condamner le programme? Non. J’ai malheureusement peu d’espoir que le projet de loi 20 change sur cette question. À tous les couples actuellement en traitement de fertilité ou qui envisagent d’aller consulter, je suis de tout cœur avec vous. Ma famille est faite, comme on dit, et j’ai pu bénéficier du programme. Les prochains ne seront pas aussi chanceux. Je suis triste et en colère pour vous.
 
En vous souhaitant une bonne rentrée parlementaire, Monsieur Barrette.

Cordialement,

Marie-Pier