Nos deux grandes filles sont parties à l’aventure de la vraie vie. Notre chien est parti rendre service sous d’autres cieux. Ma maison est vide.
 
Au début, j’ai apprivoisé très agréablement les absences répétées des demoiselles, jeunes adultes maintenant, puis leur quasi-disparition ponctuée de rares visites : après tout, ça fait du bien de prendre du temps pour moi, pour nous. Ma maison est propre. Ma maison est grande. Ma maison est calme, exempte de drames et de stress quotidiens. Les serviettes restent à leur place. Ma cuisine ne ressemble pas à un bureau-capharnaüm. L’entrée compte un nombre raisonnable de souliers. La télé est disponible. L’eau chaude coule à flots. À moi, à nous, les longues soirées d’amoureux ou de repos, sans anxiété d’organisation ou du lendemain.
 
Ce mois-ci, c’était au tour de notre compagnon canin des douze dernières années de tirer sa révérence. Et là, pas trop de surprises. La maison est propre (bis). Le dessous de mes divans ne ressemble pas à une armoire à perruques. Je ne l’entends plus claquer ses griffes, la nuit, sur mon beau plancher de bois franc. Je ne dois plus m’inquiéter qu’il lui prenne l’envie d’aller dire « salut » au sixième voisin. Ça sent encore un peu le chien, mais si peu, et pas mouillé, au moins. Mes allergies crient au miracle : ça existe, un environnement sans poils (ou presque)?


Un gros morceau de moins dans la maison.
Crédit : Cindy Levesque

 
Oui, ma maison est vide. Comme mon ventre, d’ailleurs. Et j’ai le vertige.
 
Une partie de notre vie, de notre rôle, s’évapore doucement. D’autres possibilités s’ouvrent à nous, mais je ne croyais pas regretter autant nos soirées de semaine bordéliques et les courses contre la montre. Les filles ont rythmé notre quotidien et notre vie tellement longtemps que nous sommes déboussolés sans elles. Les silences sont plus longs. Les soupers, moins élaborés. Les weekends, moins remplis. Notre cœur, un peu tristounet. C’est pour ça que recevoir un texto disant « Je viens souper » nous redonne finalement vie. Comme si tout avait été sur pause le temps d’un instant, d’une semaine.
 
Le chien ne reviendra plus. Nos grandes, elles, font encore partie de notre maison, mais différemment. Et qui sait? Peut-être, un jour, mon ventre cessant d’être vide nous permettra de retrouver le joyeux bordel de la maison et, je l’espère, des grandes sœurs qui passeront dire « allô » quand leur vie, déjà remplie, le leur permettra.

Comment vivez-vous vos moments seul(s), même temporaires, dans votre maison vide?