« Profitez-en, ça passe vite! » Maintenant, je le dis aux gens. Non, j’en profite pas et non, ça passe pas vite. Je refuse ce conseil de vie. Je le sais que ça se veut gentil. Je le sais aussi, maintenant, que les gens répètent cette phrase en pensant à leurs propres enfants et pas aux miens. Ni à moi, qui sors à peine d’une période éprouvante de la parentalité.
 
Toi qui me donnes tes impressions de parents sous forme de conseils, est-ce que c’est parce que tu penses que je ne suis pas consciente de mon bonheur? De la chance que j’ai? Un jour, mes enfants vont partir de la maison et je vais me bercer au son de mes regrets amers et doucereux, parce que je n’aurai pas assez « profité » de mes enfants. Je pense que c’est ce que tu veux m’éviter.
 
Tout ça n’est qu’une question de perspective. En ce moment, tes enfants sont partis et tu t’ennuies d’eux. OK! C’est correct. Pourquoi tu me fais sentir mal de ne pas être plus heureuse pendant que je suis, moi, encore avec les miens? Je suis dans le gros de l’action. J’ai pas une seconde à moi. J’ai l’air d’une ménagère sur la coke pis je fais juste attendre que la vie me donne un respir. Tu peux pas me dire que ça passe vite. Sois empathique s.v.p. Rappelle-toi comment c’était dans ton temps.


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« À quel âge elle est rendue, ta fille? 18 mois? MON DIEU! Ça passe tellement vite! »

Ah, je le sais, la dernière fois que tu l’as vue, elle avait deux mois, et maintenant elle en a 18. Comme tu n’as pas pensé à elle entre les deux, tu trouves qu’elle a grandi terriblement vite. C’est ça? Ma perspective à moi est la suivante : je viens de passer quelque 550 jours avec ma fille. Et là-dessus, 365 jours 24/7. Je trouve ça tout à fait normal qu’elle ait 18 mois.  C’est ni rapide ni lent. On a vécu chaque journée. On est rendu là.
 
Tu me dis d’en profiter parce que, hein… plus tard, je ne sais pas ce qui m’attend. Peut-être que c’est une façon pour toi de me parler des difficultés que tu vis présentement avec tes enfants. La période où ils étaient petits est passée, tu as oublié la fatigue des premiers mois. Tu vis avec des ados qui t’en font voir de toutes les couleurs. Pourquoi tu ne me dis pas simplement que toi, là, « Tu vis avec des ados qui t’en font voir de toutes les couleurs »?

Lorsque tu me dis d’en profiter parce que plus tard, je vais vivre encore d’autres difficultés, j’ai juste l’impression que tu minimises ce que je suis en train de vivre. Qu’avoir des enfants, c’est une chute vertigineuse dans le négatif et qu’on ne s’en relève jamais. 
 
Pourtant, même si ma situation actuelle est parfois difficile, j’apprécie toutes les nouvelles étapes. Un bébé qui commence à parler, un autre qui devient propre. Il me semble que plus le temps passe, plus les enfants deviennent autonomes. C'est toujours de plus en plus facile. Mais il peut arriver n’importe quoi en cours de route, j'en conviens. Et je ne sais pas ce que tu vis, je ne suis pas dans tes bobettes. D’ailleurs, et c’est là ce que je tente d’expliquer depuis le début : tu n’es pas dans les miennes non plus.

Dans le fond là, est-ce qu’on pourrait accepter que chaque expérience parentale est différente? Ce que chaque parent a vécu n’est pas nécessairement transférable aux autres. Les enfants sont différents, les parents aussi. 
 
Je t’ai demandé d’être empathique? C’est peut-être à moi de l’être. La prochaine fois, je vais te poser une question sur tes enfants.
 
Ne pensez-vous pas qu’on devrait plutôt tendre l’oreille aux autres parents? Ou ne donner notre avis que lorsque l'on nous le demande?