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La fois où j’ai découvert une bosse sur mon sein
Crédit: Marika Laforest

J’observe mes seins religieusement. Je suis attentive à tout changement dans la forme, la texture, je suis même un peu obsédée. Il y a deux mois, j’ai découvert une bosse. Première réaction : le déni.
« Ben non, ça doit être juste parce que j’ovule. » Mais j’angoissais quand même. Envisager un cancer, ce n’est pas parsemer ton esprit de pensées joyeuses. J’allais avoir 40 ans dans quelques semaines, je n’avais pas envie de penser à ça.

Mais la bosse ne partait pas. Je la sentais tous les jours. Étant solo, je ne pouvais demander à mon chum de valider si lui aussi la sentait. J’en ai parlé à ma meilleure amie, c’est elle qui m’a offert de vérifier. Elle et moi nous connaissons depuis si longtemps, on s’est vue de tout bord tout côté. Elle m’a tâté le sein. Elle aussi sentait « la bille ». Je ne pouvais plus vivre dans le déni. 

Commence alors toute la danse dans le système médical. Je n’ai pas de médecin de famille, je n’aime pas mon gynéco. Direction clinique sans rendez-vous. C’est poche, je sais. Le médecin qui m’a examinée était très gentille. Elle m’a dit que j’avais les seins « glandeux ». Elle m’a prescrit une échographie et une mammographie. Sans poser de diagnostic, elle m’a dit que c’est le protocole. Étant donné que j’ai des antécédents dans ma famille, que j’allais avoir 40 ans, il valait mieux ne pas prendre de chance. 

Le système archaïque de la prise de rendez-vous
Je décide d’aller à la clinique du sein de l’Hôtel-Dieu. Pas de rendez-vous par téléphone. Il faut poster son papier du médecin (oui poster comme mettre dans une enveloppe avec un timbre). J’avais ben que trop peur que ça se perde dans la malle, alors je suis allée le porter directement à la clinique. « Merci madame, on va regarder ça et nous vous enverrons une lettre par la poste pour vous fixer un rendez-vous. Vous devriez la recevoir d’ici un mois. » Sérieux? En 2015? Pas angoissant du tout, non.

Finalement, on me contacte par téléphone pour me donner rendez-vous dans la semaine suivante. Suspicieuse, je demande à la dame s’il y a lieu de m’inquiéter, car ça va beaucoup plus vite que mentionné. Une annulation qu’elle me dit. M’en voilà ravie, j’angoisserai moins longtemps.

Le corridor rose de la maladie
Ce matin-là, je me maquille, je revêts une belle robe, je porte des talons. Si je suis pour apprendre que j’ai le cancer, je veux être cute, féminine. C’est étrange que j’aie pensé à ça, mais ça me réconfortait. Je ne suis pas quelqu’un qui pleure dans la vie. J’ai des émotions en écoutant un film, en regardant des photos, mais je ne pleure pas sur MA vie. En marchant d’un pas assuré dans ce long corridor, une vague intense d’émotions m’a envahie. Étais-je en train de marcher dans le corridor de la mort? Qu’est-ce que je vais faire si j’ai le cancer? Qui s’occupera de mon fils quand je reviendrai diminuée de la chimio? Sur quelle épaule pourrai-je m’appuyer pour me réconforter? Je me sentais seule en esti.

Dans l’aire d’attente, vulnérable dans ma jaquette d’hôpital, ce mur. Un mur avec des centaines de photos de survivantes. Un mur d’espoir. Je ressentais tout de même de la tristesse de constater qu’autant de femmes en étaient atteintes. Le cancer du sein est la forme de cancer qui touche le plus de femmes au Québec et représente la 2e cause de mortalité par cancer chez les femmes. Une femme sur neuf risque de développer un cancer du sein au cours de sa vie. Une femme sur 30 risque d’en mourir.  Au Québec, c’est plus de 6 000 diagnostics chaque année. Heureusement, grâce à la recherche et aux campagnes de sensibilisation et d’éducation qui encouragent le dépistage précoce, le taux de survie au cancer du sein 5 ans après le diagnostic, est désormais de 88 %.

Du personnel réconfortant
J’avais déjà eu une mammographie. Mon souvenir était tellement désagréable : un appareil froid, une salle sombre, une technicienne insensible. Une toute autre expérience cette fois. Une dame rassurante, manipulant mes seins avec délicatesse pour mieux faire passer le moment où ils se retrouveront plats comme une galette. « Dites-moi si c’est trop comprimé. Ce n’est pas une sensation agréable, mais ça va aller vite. » Cette dame qui manipule des seins toute la journée a su garder son humanité, malgré le contexte médical. Merci madame de m’avoir rassurée.

Pour l’échographie, c’est le même procédé qu’une écho de grossesse. Un gel froid et la radiologue promène sont petit bidule sur tes seins. J’ai apprécié qu’elle me dise au fur et à mesure ce qu’elle faisait, ce qu’elle voyait. À la fin, elle a posé sa main douce et réconfortante sur ma cuisse en me disant : « ça va bien aller.» J’avais confiance.

J’ai bel et bien une bosse. Mon souffle s’arrête. Mon amie et moi avions beau l’avoir touchée, j’espérais encore que cette bille était le fruit de notre imagination. Il faut réaliser une biopsie pour s’assurer que ma bille n’est pas dangereuse. Encore une fois, on m’a expliqué étape par étape ce qui allait se passer. Je vous dirais que c’est comme se faire percer les oreilles. Une sorte de gros poinçon vient percer ta peau pour retirer un échantillon de la masse. Ensuite, on place une petite plaque de titane de quelques millimètres là où la biopsie a été réalisée, comme pour garder une trace de l’intervention pour le futur. Je suis marquée sous la peau pour toujours. J’ai eu une pensée pour Matt Damon dans Mémoire dans la peau.

Et puis il arrive quoi avec cette bille, nom de Zeus?
Je n’ai pas voulu traverser le pont avant d’arriver à la rivière, je n’ai pas voulu envisager la possibilité du cancer. Je me suis dit une chose à la fois. Pour l’instant, ce qui était important, c’était d’attendre les résultats de la biopsie, je verrai après. Ça ne me servait à rien d’envisager toutes les mesures à prendre pour affronter le cancer si je n’avais pas de cancer. Finalement, cette bille est un adénofibrome, une masse de tissus fibreux, une tumeur bénigne. Il parait que ça arrive souvent à l’adolescence quand les seins se forment. « Vous avez des seins de jeunes filles, madame. » Heureuse de l’entendre.

Mesdames, observons nos seins!
Toute cette histoire m’a donné le goût de sensibiliser le plus de femmes possibles. Je demeure encore surprise que plusieurs n’observent pas leurs seins régulièrement. Alors j’ai envie de partir un mouvement. Et si chacun de nous, hommes et femmes, envoyait un petit message à une femme que l’on apprécie pour lui rappeler de faire l’observation de ses seins?

Ce peut être par texto, par courriel, sur Facebook, sur Instagram, peu importe. Je vous propose cette image, parce que je pense à toi, sans point final. ( • ) ( •.)

#ObservonsNosSeins
 
Ressources :

Conseils pour l’observation des seins : www.observationdesseins.org

28 octobre 2015 : Soirée bénéfice pour amasser des fonds pour la recherche sur le cancer du sein
www.rubanrose.org/roselesoir
 

 
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