Chère maman, nouvelle dans le complexe monde de l’autisme,

Je devais faire la critique d’un livre dans lequel une maman affirme avoir guéri son enfant de l’autisme. Au final, je me suis dit qu’en quelque sorte, en le faisant, je lui ferais de la publicité. Parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlons-en! Je suis diplômée en Fashion Marketing donc je le sais trop bien.

Après réflexion, je me suis dit que je préférais plutôt t’écrire, à toi maman d'un enfant qui vient tout juste de recevoir son diagnostique de T.S.A. Après tout, c’est toi qui m’importes! Avant de le faire, j’ai consulté plus de cinquante parents d’enfant avec un T.S.A. et des adultes autistes de haut niveau et Asperger également. En fait, cette lettre je la signe, mais nous sommes plusieurs a souhaiter qu’elle te parvienne.

Il y a beaucoup d’émotion dans ces lignes, car ce que je te partage, c’est ma plus grande défaite et ma plus grande victoire à la fois. Lorsque j’ai compris que ma fille était autiste, je me suis mise en tête de la sauver.

Les livres nouvellement édités que tu tiens entre tes mains, ils existaient en 2011. Ils donnaient des titres différents, par contre le contenu lui, n’a pas changé. Je le sais, car je les ai tous lus. Ceux d’hier et d’aujourd’hui, parce que je me tiens au fait de tout ce qui à trait à l'autisme depuis quatre ans.

Moi aussi, tout comme toi, je n’en voulais pas de l’autisme dans ma vie. J’avais une carrière, une belle maison, un autre enfant dit normal, un conjoint, une vie sociale et plus encore. Je devais sauver ma fille de l’autisme si je voulais sauver tout ça. Ma fille ne pouvait pas être autiste. Je serais l’une de ces mères sauveuses moi aussi.

J’ai tout essayé. J’ai tout fait. J’ai échoué.

Ces livres que j’ai lus, ces mots et ces pages furent en premier lieu la lueur d’espoir auquel je m’accrochais. Cette lueur qui m’a gardée bien au chaud dans mon déni de maman qui allait sauver sa fille.  Quand j’ai compris que ça ne fonctionnait pas, ces pages, ces mots, ces livres sont devenus ma plus grande honte, ma plus grande source de désespoir. Je n’avais pas sauvé ma fille. Je n’y arrivais pas. Elles y étaient arrivées, mais pas moi. Pourquoi? J'ai tant cherché à comprend pourquoi je n'étais pas digne des mères sauveuses.

Il en aura fallu du temps avant que je cesse de vouloir vaincre et que je réalise que je devais comprendre l’autisme si je souhaitais réellement aider ma fille. C’est en comprenant ce qu’est le trouble spectre de l’autisme,  de la complexité de ce trouble neuro-développemental, que j’ai compris que l’on ne peut pas passer d’autiste à non autiste, simplement en cuisinant autrement.

Si quelques mamans sortent dans les médias en clamant la guérison de leur enfant, sache qu’un nombre incroyable ont tenté l’expérience sans résultat. S’il y a une exception à chaque règle, celle qui rédige un livre en ce sens est l’exception et nous, les parents pour qui ça n’a rien changé, nous sommes la règle.

Et si tu étais l’exception? Je ne te demande pas de ne rien tenter, c’est ton cœur de mère que je souhaite protéger. Mon message est principalement pour toi qui ne seras pas l’exception, mais la règle, tout comme moi. Je souhaite que tu saches que même si le chemin de l’acceptation est long et difficile, retrouver son bonheur et vivre avec l’autisme de son enfant est possible. Je n’ai pas sauvé ma fille, mais je suis heureuse maintenant. Ma victoire, elle est là.

Ne te remets pas en question parce que tu n’es pas l’exception. Ne laisse pas ton entourage te demander pourquoi ça n’a pas fonctionné. Ne les laisse surtout pas te rendre coupable alors que tu ne l’es pas.

Les réponses sur les causes réelles de l’autisme, nous les attendons encore. Pourquoi certains autistes réagissent bien à certains types d’alimentation alors que pour d’autres, ça n’a aucun effet ou presque? Pourquoi certains diagnostics sont donnés en bas âge et ensuite révoqués? Parlons-nous davantage d’erreur de diagnostic que de guérison? C’est plus souvent qu’autrement le point de vue des spécialistes en autisme, mais également des autistes adultes. Ces derniers vous diront que malgré qu’ils ne semblent plus autistes pour un œil extérieur, vécu de l’intérieur, l’autisme est toujours présent.

Tu sais, chaque fois qu’un livre prétend la guérison de l’autisme et prend place sur les tablettes des librairies ou circule sur les réseaux sociaux, c’est un pas de recul pour nous tous qui souhaitons faire connaître l’autisme pour ce que c’est réellement. Chaque fois qu’un éditeur met de l’avant l’idée que l’autisme peut être vaincu, ce sont des parents en quête de guérison qui mettent sur pause leur processus d’acceptation.

Voilà pourquoi je souhaitais t’écrire, toi qui passes tes soirées à cuisiner alors qu’en fait, tu cours déjà après ton énergie et ton temps. Tout ça dans le but de vaincre l’autisme de ton enfant, alors qu’en fait, l’autisme doit principalement être compris, car au final, il fait partie de lui.  

Prends soin de toi, ça va aller.