À toi, future maman « trop jeune », au destin « incertain » et aux rêves « irréalistes ».

Des inconnus qui te dévisagent, quand après avoir vu ta magnifique bedaine toute ronde, aperçoivent ton visage encore enfantin, il y’en a, et il y en aura encore.  Tes amis qui te voient comme une extraterrestre parce que tu as décidé de sacrifier la liberté pour laquelle tu aurais tout donné il n’y a pas si longtemps, ils t’appuieront ou disparaitront et ce sera tant mieux.

On te dira probablement que tu devrais y réfléchir encore, que des bébés t’auras toute la vie pour en faire. Et puis, on te dira qu’on s’inquiète pour toi, que le papa te laissera peut-être toute seule, que ton avenir, ben, il n’aura pas l’air de grand-chose. Et puis tes études; comment pourras-tu finir tes études? Certains tenteront de te faire changer d’idée en te rappelant à quel point tu détestes ta job de caissière au dépanneur du coin, à quel point étudier avec un enfant c’est l’enfer.

Je te souhaite que tout ça ne te concerne pas. Que les gens qui t’entourent sachent que, dans la vie, le pire qu’il peut t’arriver, c’est que tu vas finir par t’en sortir. Toutes ces choses, on me les a dites, et j’y ai presque cru. C’est vrai, j’avais dix-huit ans et des poussières, je détestais l’école, surtout depuis qu’une de mes profs avait habilement déclaré à la classe que les jeunes mères étaient statistiquement reconnues pour scraper leur vie professionnelle. Le papa, je ne le connaissais pas vraiment plus que le bébé dans mon ventre; c’était un amour incertain, un genre de pile ou face ou je n’avais même pas le luxe de lancer la pièce.

Je te rassure, belle petite maman en devenir. Toutes les histoires ne finissent pas en queue de poisson. C’est normal d’avoir peur, c’est normal d’en vouloir à tous ces énergumènes qui te jugent sans te connaître. Sache qu’au fond, ce que ces gens voient, c’est ce que tu veux bien leur montrer.  Laisse ta peur de côté et fonce, parce qu’au fond, tu sais que tu peux le faire et personne n’a le droit d’essayer de t’en décourager. J’étais moi-même un cas désespéré aux yeux des autres. Aujourd’hui, je termine un BAC en journalisme dans une langue que j’ai apprise en écoutant la télé, ma grande fille aura six ans en avril et le papa, et bien il n’est jamais parti.

Fonce, ne regarde pas derrière et s’il te plaît, laisse faire les statistiques.  La seule raison qu’elles ont d’exister, c’est pour que tu puisses mieux les faire mentir.