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Échographie : la petite histoire d’une fascination
Crédit: MART PRODUCTION/Pexels

La première fois que mon intérieur m’est apparu, j’ai sursauté. Jamais encore je n’avais constaté l’étendue du trou noir que je renfermais. Pourtant, depuis des jours je me gavais de médicaments pour stimuler mon système ovarien. Leuprolide, ménotropine, climara (injectés, absorbés et avalés) chaque soir à heure tapante, jusqu’à la dernière goutte. 

Cette orgie chimique devait avoir produit quelque chose, quelque part, non ? Puis vamm! Les ultrasons ont fait apparaître sur l’écran gris la silhouette ronde des follicules que j’abritais. À l’intérieur se trouvaient les précieux ovules que nous allions (avec le bataillon de spécialistes de la clinique) tenter de féconder.
 

Mais les écrans noirs se sont répétés. 

J’ai abrité une nébuleuse qui a refusé de produire quoi que ce soit pendant des années. Un magma informe que les ultrasons de la sonde cherchaient, scrutaient, mesuraient sans succès. Tout à l’intérieur de moi était à inventer. Privée d’images, j’ai longtemps imaginé la vie que j’aurais pu faire naître.

Au bout du tunnel, l’espoir
Puis, un jour, un point s’est déposé. Une voix au téléphone a répété la même chose en boucle : « Vous êtes enceinte ». Nous sommes entrés dans le cabinet où le noir de mon ventre avait été projeté tant de fois. La sonde m’a pénétré de la même façon. Sauf qu’au bout de l’écran, les ultrasons sont allés préciser une masse toute petite qui papillonnait sans relâche. Quelque chose se contractait si vite. Une forme clignotait comme une paupière qui s’étonne. Dans mon coeur, dans mon ventre, il y avait le battement d’un autre coeur! Haaaaa! 
 

Crédit : Anne Genest
 

Pour la première fois, j’ai réalisé que je portais la vie. Ce moment précis (avec tous ses détails inutiles) est resté gravé dans mes sentiments. Une lumière s’est allumée. J’ai eu la conviction qu’à partir de maintenant je devais veiller à ce que son coeur jamais ne s’éteigne. 

Une lumière dans la nuit
Les échographies se sont succédé en suivant les examens programmés par mon vieux médecin qui notait tout au stylo dans une vieille filière. J’ai vu les ultrasons vérifier ensuite si tous les membres de mon bébé étaient intacts. J’ai vu son sexe de fille délicat comme une fleur et j’ai vu son cerveau, avec tous les morceaux à la bonne place. Chaque fois, le balayage des faisceaux a dissipé mes petites angoisses.

Encore aujourd’hui, je surveille l’image de mon bébé la nuit. La caméra accrochée juste au-dessus de son lit me rassure. Nuit après nuit, avant de m’endormir, je respecte le même protocole. Je dépose le livre lu. J’ouvre le moniteur. Tout autour, il fait noir. Dans la chambre, seul brille l’éclat de l’écran braqué sur ma fille. J’examine la rondeur de ses joues. J’écoute. Sa respiration est-elle régulière ? Tout va bien. L’une de ses petites mains cajole même l’oreille de l’éléphant bleu caché sous elle, près du coeur. 

Et je dors, enfin. 
 

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