Récemment, une fenêtre inespérée s'est ouverte sur mon quotidien : la chance de nous évader, mon mari et moi, pour une première fois depuis trois ans. Nos bébés allaient rester avec leur gardienne – qui emménagerait chez nous pour l’occasion. Que demander de plus pour partir l’esprit tranquille? La planification était réglée au quart de tour, avec mes parents en renfort pour livrer les soupers et aider à coucher les filles. 

OK. 3 jours. Où aller pour avoir chaud sans partir trop loin? Les Bahamas! 3 h 30 de vol et hop! un 28 degrés qui nous y attend! Départ le dimanche et retour le mercredi. 3 dodos. 3 nuits sans réveil!?! LE RÊVE!

Je pars armée de mes deux tire-laits. L’antiquité de 14 ans qui a fait ses preuves (un vieux Medela mini-électrique qui ne se vend plus) et le Avent manuel que m’a refilé ma cousine à la naissance de ma fille. Lequel sera le plus efficace?

Crédit : Thetopbreastpumps.com
 
La dernière tétée a lieu vers l’heure du midi avant le trajet vers l’aéroport. Ma fille sait-elle qu’elle tète ses dernières gouttes avant longtemps? Me reprendra-t-elle à mon retour? J’essaie de faire une bulle autour de nous pour savourer ce possible dernier moment en « tête-à-sein » au calme. J’aime beaucoup allaiter et j’ai vraiment peur que ma fille de 10 mois me boude à mon retour.
 
Nous voyageons léger et mon attirail est scellé dans un ziploc – avec une réserve de compresses d’allaitement. Les douaniers me laissent les trimballer sans question.

Le premier soir tout va rondement (hehehe). Mon mari et moi batifolons dans le lait. J’en tire aussi un peu. Je devrais le jeter parce que j’ai le coude léger – je profite de mon escapade et de ses inclusions à plein – mais j’ai du mal à m’y résoudre. Sacrilège pour moi que de jeter du lait maternel. Je souffre tellement à le tirer de sa source!

Le tire-lait Avent est meilleur pour stimuler une montée laiteuse et il est plus confortable avec son embout coussiné. Je ne sors même pas l’autre, pour l'instant.
 
7 h, réveil douloureux. Je suis couchée dans une marre de lait. Mes seins sont devenus des obus qui menacent d’exploser. Je dois me lever en catastrophe pour tirer du lait. Le medela est efficace (mais bruyant). Je ne veux pas réveiller mon mari de cette précieuse et rare grasse-matinée. Je m’attèle donc à la tâche de tirer manuellement. Je me suis probablement fait une tendinite, mais 6 onces plus tard, c’est chose faite. Mon record. À vous qui êtes capable de vous tirer 8 onces par sein plusieurs fois par jour, je dis : chanceuses, ça n’a jamais été mon cas!

Je sors ma réserve de la veille pour la photographier, presque émue! Puis je jette le tout, à contre-cœur. Pas de congélateur dans la chambre, uniquement un frigo et je vois mal comment le conserver ainsi pour 3 autres jours! Je ne sais même pas si on m’aurait laissée passer à la douane avec des sachets de lait maternel - Ouh! Liquide Dangereux! Pas envie de suer lait et larmes pour me le voir confisquer comme Alyssa Milano à Londres!

(À noter : Air Canada l'autorise et Air France aussi, même si le bébé n’est pas là.)

  
Le deuxième jour, je dois tirer du lait deux fois en journée et une fois au coucher. Le plus souvent sous la douche parce que c’est moins douloureux. Pour ma survie, le tire-lait Avent a donc mieux servi que celui qui se branche (!). Ça n’est pas contraignant, mon mari et moi en sommes plutôt ravis.

Bonus (ou pas?) : je suis pigeonnante comme jamais! Moi qui ai toujours rêvé d’avoir une grosse poitrine, je jubile. Je pigeonne et compétitionne allègrement avec quelques poitrines voisines (qui elles, ne donnent visiblement pas ou plus de lait… du gel de silicone, peut-être?) C’est mon heure de gloire! Nous passons une merveilleuse journée. Petite précision : je porte ordinairement des soutien-gorges de taille 34 A! 


Ma poitrine de Jaja-Nicole Smith, moi qui porte habituellement du « A » 
Crédit : Jacinthe Laporte  

 

Je tire du lait avant de me coucher, mais cette fois, je prends de facto le Medela miniélectrique. Aïe! Tant d’efficacité, ça suce! 5 onces plus tard (lire, 2.5 onces dans chaque sein) je vais me coucher. Je peux dormir jusqu’à 9 heures le lendemain matin.
 
Quand le déjeuner arrive, je termine de tirer la production matinale. J’ai 4 onces devant moi, d’un lait tout chaud. Le sirop de soya infect qui remplace le lait de vache (que je ne bois pas durant mon allaitement) me lorgne dans sa cruche à côté du café. Beurk, juste y penser, le cœur me lève. Et puis pourquoi pas? Ça ne doit pas être mauvais, un café au lait maternel? Et si ça l’est, je jetterai simplement la tasse pour m’en servir une autre!

Le verdict? (âmes sensibles s’abstenir) C’est délicieux! Je débute ma journée guillerette et suis ravie de n'avoir pas jeté de lait.

Nous partons visiter Nassau. Je ne prends pas de tire-lait, mais j’ai des pads dans mon bikini. Le Musée National Art Gallery of the Bahamas (NAGB) est magnifique. Je vois des scènes d'allaitement partout. 

Statue de Wellington Bridgewater, 1998, NAGB 
Crédit : Jacinthe Laporte

 

Ma petite commence à me manquer… physiquement aussi! 

Crawfish Woman de Wellington Bridgewater, 1998, NAGB 
Crédit : Jacinthe Laporte

 

J’allaiterais volontiers le bébé de la statue extérieure! D'autant que mon bébé à moi a eu une nuit terrible. Elle m'a cherchée partout et a refusé son biberon de lait de soya (je la comprends). Elle s'est calmée au bout d'une quarantaine de minutes, avec un sachet de purée, m'a écrit la nounou. Je me sens toute triste.

Ce deuxième jour, je n’ai eu qu’à tirer en fin d’après-midi. Même avec le medela, il n’est sorti que 3 onces. La source se tarit-elle si vite? Ma petite sera furieuse… ou affamée!
 
Je tire avant d’aller au lit. Là aussi, maigre récolte. Je jette : je me fierai uniquement à la traite matinale pour mon café. Pas de micro-onde pour réchauffer et je déteste le café froid.
 

 Un café au lait délicieux
Crédit : Jacinthe Laporte

 

Dernier matin. Pas de seins trop tendus. Je sors tout juste ce qu’il faut pour un café au lait, à peu près 3 onces. Nous nous préparons pour le retour. Je reverrai mon bébé (et sa bambine de sœur) vers 16 h. Je m’ennuie et je suis contente de revenir.

Alors que les derniers milles nous séparent de la maison, j’ai peur de la réaction de mon bébé.
Quand j’entre, je la vois qui se dirige à toute vitesse vers moi, à 4 pattes, et le sourire fleuri. Sa sœur la double par la droite et se jette dans mes bras. Bisous, bisous… Je vois alors l’air de ma plus jeune alors que ses pas ralentissent.

Elle m’en veut. Si elle parlait, j’entendrais «  WTF? Où t’étais tout ce temps-là? » Je la prends dans mes bras, mais elle ne me regarde pas. Je la vois qui cherche mon sein avidement, presque en colère. Je soulève le gilet et elle me gobe d’un coup. Ouf! Elle tète avidement, pour les 3 jours qu’elle n’a pas eus. Mon sein fournit difficilement.

Au bout de 10 minutes, elle relève la tête, avec un filet de lait au coin des lèvres et elle regarde son père avec délectation. Pas moi. J’ai sustenté son besoin – ses risettes iront à son papa.
« Papapapapa », dit-elle (pour la première fois). L’homme a les yeux dans l’eau. Moi aussi, mais pour l'ensemble de ces raisons. Aglaé ne me sourira que le soir venu, après le changement de couche et une reprise CLAIRE de sa routine de dodo. Mes seins sont tellement vides!

Je sais que la production s’ajustera, mais je peux dire adieu au galbe pigeonnant pour quelques temps!

Aimez-vous mieux votre poitrine en période d'allaitement vous aussi? Avez-vous eu peur, après une petite vacances, de ne plus pouvoir allaiter?