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Le souper, un bon moment pour demander « comment tu vas? »
Crédit: Nathalie Justine

Je pense que j’ai toujours su ce qu’était la maladie mentale. J’avais pas vraiment le choix, mes parents en parlaient toujours au souper. C’est que ma mère est infirmière en psychiatrie et milite pour la réinsertion sociale des personnes directement visées depuis forever. Mon ex-beau-père, lui, était psychiatre. Entre eux, ils parlaient des histoires de leurs clients. J’écoutais, ça m’intéressait. J’ai compris très jeune que les gens souffrant d’une maladie mentale ne sont pas fous. Ça n’a jamais été un tabou dans ma maison.

La clientèle de ma mère, je la côtoie depuis que j’ai 4 ou 5 ans. J’ai participé à nombreuses de leurs activités et sorties communautaires. Jeune, j’allais cueillir des fraises avec eux et je passais mes journées pédagogiques à l’organisme de ma mère. Plus vieille et encore récemment, je m’y arrêtais juste pour discuter. Parce que c’est beau ce qu’ils ont à dire. Leurs histoires ne sont pas nécessairement toujours belles au sens propre, mais le chemin qu’ils ont parcouru pour se rendre là où ils sont aujourd’hui est impressionnant et vraiment beau. 
 
Le travail de mes parents a fait en sorte qu’à l’adolescence, quand ça feelait pas, je ne pouvais jamais le cacher bien longtemps. Mes parents savaient, mes parents voyaient. S’il fallait passer trois heures à table pour qu’enfin je crache le morceau, nous passions trois heures à table. Quand j’ai commencé à maigrir  — pas mal trop — ça n’a pas pris trop de temps avant que mes parents interviennent. Les soupers étaient plus long, mais ce n’étaient pas grave. Pour mes parents, ce qui importait était (et est toujours) ma santé mentale.
 
Puis, quand j’ai commencé le CÉGEP et que je passais mes journées libres couchée, en mou, à regarder Dawson’s Creek et les Saisons de Clodine, ça n’a pas pris de temps avant que mes parents veulent qu’on parle.
 —  Qu’est-ce que t’as Justine?  
 —  Rien.
 — T’es sûre?
 —  Oui.
 —  T’es vraiment sûre?
 —  Oui.
 — Vraiment?
 — Non…
 
Je ne suis absolument pas meilleure qu’une autre. Je suis juste chanceuse. Chanceuse parce qu’au souper, on me demandait toujours « Comment ça va? » Chanceuse parce qu’on ne m’a jamais laissé seule avec mon « Ça va pas pentoute ». Je suis privilégiée. Privilégiée, parce que j’ai été sensibilisée aux tabous. Parce qu’on m’a enseigné que d’en parler, que de chercher de l’aide, n’était pas honteux.
 
Dans quelques mois, ce sera à mon tour d’être parent. Et, bien que je fasse tout en mon pouvoir pour créer un humain en santé, je ne sais pas ce qui pourra se passer dans sa tête et dans son corps à un moment ou l’autre de sa vie, mais j’aimerais ça penser qu’en plus des soupers où je vais m’assurer qu’il va bien, la société va être là pour le soutenir et l’aider. C’est moi qui porte des lunettes roses maintenant? J’espère que non.
 
Jusqu’au 6 février, c’est la semaine de prévention du suicide et la semaine nationale de prévention de sensibilisation aux troubles alimentaires. Après la journée Bell Cause pour la cause, c’est une bonne occasion pour continuer de parler de la maladie mentale, parce que la prévention passe par ça (entre autres). C’est en levant le tabou sur la maladie mentale, en changeant, ensemble, les mentalités et les préjugés que nous ferons une différence.

 
Ce soir, au souper, avec votre enfant, votre chum, votre blonde ou votre coloc, demandez-lui comment il va, vraiment. Ça fera peut-être toute la différence et ça va participer, justement, à faire tomber les tabous, même ceux que vous ne voyez pas.
 

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