Il y a environ un an, j’écrivais un billet à propos de mon petit deuil d’allaitement avec ma grande fille. J’y parlais du fait que j’étais triste d’avoir tourné cette page de mon livre de vie. J’y racontais aussi à quel point j’avais travaillé fort pour réussir cet allaitement.
Me voilà donc un an plus tard, avec un petit bébé tout neuf, et une nouvelle bataille pour l’allaitement. Mon bébé va bien, je vais bien, l’accouchement a été plus que parfait, mais mon allaitement a connu un début plus que difficile encore. Pour plusieurs raisons, ma fille ne voulait juste plus prendre le sein après trois jours de vie. Elle n’avait jamais essayé le biberon, mais elle se débattait déjà de façon frénétique sur mon sein parce qu’elle trouvait que ça n’allait pas assez vite à son goût.
Je me suis battue, le mot est juste, pour essayer de lui faire prendre le sein, parce que je voulais tellement l’allaiter, parce que j’étais certaine qu’il fallait que je l’allaite pour être une bonne mère. J’étais aveuglée par le discours pro-allaitement qu’on entend partout dans les hôpitaux et qu’on retrouve dans les livres. J’ai fait tous les efforts possibles et inimaginables pour essayer qu’elle aime ça. Plus j’essayais, plus elle se débattait et hurlait. J’étais tellement butée par mon désir d’allaiter que j’en gâchais mes premiers moments avec elle. Elle se mettait à pleurer lorsqu’elle s’approchait de moi au moment du boire, tandis que moi je commençais à stresser lorsque je devais essayer de la nourrir.
C’était un cauchemar.
Après 10 jours de crises et de situations pas possibles, nous sommes allées rencontrer une conseillère en allaitement. Je suis revenue à la maison avec un plan de match et un bébé qui allait prendre le biberon, pour quelques jours du moins. Rendue au stade où j’en étais, l’idée de lui donner le biberon me paraissait comme une bénédiction.
Pendant les quelques jours où j’ai donné le biberon à ma fille, j’ai vécu un autre petit deuil d’allaitement. Même si je n’avais pas eu la chance de l’allaiter de façon convenable, je vivais une peine difficile à décrire. Je ne sais pas si c’était à cause des hormones ou de toutes les attentes que je m’étais faites, mais j’étais difficile à consoler. Je vivais les débuts difficiles de mon allaitement comme un échec lamentable. Étant donné que personne ne savait si elle accepterait de reprendre le sein après avoir essayer l’incroyable bouteille, je ne me suis pas fait de faux espoirs.
Puis, après quelques jours à lui donner le biberon et à me tirer du lait de façon intensive, je me suis réessayée avec l’allaitement. Tranquillement, mais sûrement, ma fille a accepté de recommencer à prendre le sein. J’avais réussi à recréer une nouvelle dynamique avec elle. Au moment d’écrire ces lignes, mon allaitement n’est toujours pas parfait, mais au moins il est sur la bonne voie.
Mon histoire m’a fait réaliser que notre société a fait une belle job de lavage de cerveau quant à la question de l’allaitement. J’en conviens, c’est mieux d’allaiter notre bébé, mais à quel prix? Est-ce qu’on n’impose pas un peu trop ce choix au mère? Si mon allaitement n’avait pas fonctionné, je suis certaine que j’aurais eu le sentiment de devoir me justifier à chaque fois qu’un individu m’aurait demandé pourquoi je n’allaite pas. Je sais également que j’aurais eu le sentiment de ne pas être à la hauteur, même si je m’occupais de ma fille de façon exemplaire et en respectant tous les conseils inimaginables du Mieux Vivre. Je suis également persuadée que beaucoup de gens m’auraient jugée lorsque j’aurais sorti la bouteille pour la nourrir, sans même connaître mon histoire. Je le sais, parce que moi-même je le faisais avant.
Mon désir d’allaiter allait au-delà de la peur des jugements. Par contre, mon entêtement n’aurait pas été le même si on m’avait dit dès le début que je serais une aussi bonne mère et que ma fille serait aussi heureuse si je lui avais donné le biberon.
Avez-vous eu de la difficulté avec vos débuts d’allaitement? Avez-vous eu l’impression qu’il fallait allaiter à tout prix?