Mon arrière-grand-mère. Ma grand-mère. Ma mère. Moi. Mon héritage génétique maternel est assez fort côté dermatologique. Si seulement ma grand-mère m’avait donné un peu de ses beaux gros seins aussi. Non, elle les a gardés pour elle toute seule ceux-là!
Mes aïeules se sont allègrement passé une peau fragile, sèche, sensible, atopique, craquée, irritée et irritante. À la naissance, on m’a même fait faire un saut à Ste-Justine (je viens de Val-d’Or souvenez-vous. Montréal, c’était réservé aux grandes virées et aux urgences) pour ausculter ma petite peau de bébé atteinte d’eczéma sévère chronique. On m’a ramenée à la maison avec comme traitement des enrobages généreux de crèmes épaisses et malodorantes de la tête aux pieds. Des bains tièdes une ou deux fois semaine pas plus.
**AVERTISSEMENT** Ce qui suit est un peu dégueu. Je me révèle sans pudeur, soyez gentils.
De 3 à 6 ans, chaque soir, après avoir enduit mes mains de crème, on les « saranwrapait » (si si) suivi de gants de coton. Tout ça pour à la fois guérir les plaies et m’empêcher de me gratter. Le matin, systématiquement, les gants et le plastique étaient rendus loin au pied de mon lit. Je me servais de mes pieds pour me gratter. Je me grattais tellement au sang que le matin, mes draps étaient collés/incrustés sur ma peau.
Désespérée, ma famille a expérimenté maintes cures et traitements spéciaux. J’ai avalé toutes sortes de sirops, huiles, mélasses vertes. On a changé mon alimentation et fait boire des gallons d’eau. On m’a trainée de nuit dans des autobus jusqu’à St-Bruno pour voir des guérisseurs, amenée dans une forêt lancer des feuilles derrière moi! Mes parents n’étaient pas toujours d’accord et encore moins crédules devant ces interventions, mais ils ne savaient plus quoi faire pour atténuer les crises. Une rumeur veut que lors de crises sévères, ma mère ajoutait un bouchon d’eau de javel à mon bain pour désinfecter les plaies.
Méchants, les autres enfants m’appelaient la lépreuse, le papier sablé. Évidemment, mon cercle d’amis était très très réduit. Je me souviens avoir passé mes récréations avec les surveillants et les profs parce que personne ne voulait jouer avec moi, me tenir la main, échanger sa tuque. Voyez le topo? J’ai toujours été terriblement complexée et gênée par ma peau et des symptômes de l’eczéma. Ça construit une carapace épaisse et une personnalité difficile d’approche ça, monsieur!
Les médecins percevaient la puberté, les changements hormonaux et le début des règles de bon augure. Comme si le sang, renouvelé mensuellement, pouvait en quelque sorte me purger. Ils ont eu raison.
20 ans plus tard, ma peau bien que sèche, est guérie! Je ne suis plus complexée comme à l’adolescence, mais je demeure fragile. Seules quelques dépigmentations et cicatrices laissées sur mes chevilles et mes poignets (et aussi un peu dans mon dedans) indiquent la présence de la condition qu’est l’eczéma. Mes mains elles, sont toujours atteintes. J’ai souvent des plasters autour de mes doigts craqués et je dors encore avec des gants de coton à l’occasion.
La peau de mon visage est aussi fragile et sensible au froid et à la chaleur intense. Les crises d’urticaire sont fréquentes. J’ai des tonnes de pots de crèmes médicamentées de toutes sortes et des soins calmants, apaisants, hydratants…
Ça coûte cher tous ces soins! Alors, quand les jumelles nous offrent des crèmes gratos, je suis très heureuse! Ça me fait découvrir de nouveaux produits ou regarnir mes tablettes de ceux que j’ai tout le temps.
Des crèmes sans parfum souvent ça pue. Mais, des fois ça sent juste rien. Ce qui est mieux qu’une odeur de goudron ou de pis de vache!