J’ai eu deux belles grossesses. Aucune complication. J’suis chanceuse. Vraiment chanceuse. J’ai accouché comme une chatte comme dirait ma grand-mère. J’ai pu entendre leur premier cri. Les prendre dans mes bras. Faire le peau à peau. Constater qu’ils ont bien dix petits doigts et dix petits orteils. J’ai pu les allaiter. Sentir leur petit souffle court contre mon sein. J’ai pu les ramener à la maison, comme la plupart des parents.

J’ai une sœur. Elle a connu, elle aussi, la maternité. Jusqu’à 23 semaines et ensuite, tout s’est arrêté. Incompétence du col. Malgré un cerclage, elle a crevé ses eaux et a accouché d’un petit bébé endormi. Elle est revenue à la maison avec des empreintes de pieds, les mains vides et le cœur gros, remplie d’une peine, que seul un parent orphelin peut comprendre.

Dans les ailes du papillon, ce sont les petits pieds grandeur nature que ma soeur s'est fait tatouer.
Crédit : Marie-Claude Côté/Facebook

J’ai deux beaux enfants. En santé. J’suis chanceuse. Vraiment chanceuse. Je vis avec eux, le Terrible Two, le Terrorist Three et bientôt, le Fucking Four. Parfois, je me plains. Je trouve ça difficile. Par moment, je me demande où est ma patience. Moi aussi j'aurais envie de crier en me roulant par terre parce que je ne peux pas mettre mes bottes de pluie ou parce que je n’ai pas le droit de sauter sur le divan.

Puis, je pense à ma sœur. Charles-Antoine aurait 7 ans. Aujourd’hui. C’est à elle que je demanderais conseil sur la gestion de crise de bacon. Elle n’aura pas eu la chance de vivre ce que moi je vis avec mes enfants. Le premier sourire, le premier rire, les premiers pas, les premiers mots, LE mot.

Je l’entends tellement souvent. Parfois j’ai l’impression que c’est too much. J’suis chanceuse. Vraiment chanceuse. J’avais si hâte que ma fille le dise pour la première fois. Quelquefois, secrètement, je me surprends à souhaiter qu’elle le dise moins. T’sais, un ti break?

Puis, je pense à ma sœur. Elle n’entendra pas son Charlot l’appeler Maman. Cette boule de bonheur qu’on ressent quand ça arrive, elle ne le connaîtra pas. La fierté qui nous habite quand notre enfant nous associe à ce mot si doux. Elle le vit autrement, quand mes enfants l’appellent tantine. 

 

 
Ma soeur avec ma fille et mon fils
Crédit : Marie-Claude Côté

Je vois mes enfants grandir. Ça va si vite. J’suis chanceuse. Vraiment chanceuse.

Puis je pense à ma sœur. Elle est venue me visiter à la naissance de mes enfants. Elle les a pris dans ses bras. Je sais qu’elle était heureuse pour moi. En l’observant, j’ai aussi vu cette petite étincelle de tristesse. Cette pensée : « Ça aurait pu être moi, ça aurait dû être moi. Pourquoi pas moi? »

Y a des jours où je me sens coupable de vivre autant de bonheur. Elle ne m’a jamais fait sentir mal. JAMAIS. Mais je sais qu’en dedans, y a une peine. Parfois, pas toujours. Ce regard vague, signe d’une pensée qu’elle a pour son fils en regardant le mien courir partout.

J’ai d'abord eu une fille. Je crois que pour elle, comme pour moi, ça a été plus difficile au deuxième parce que j’ai eu un petit garçon. J’ai dit à mon chum que je voulais que notre fils nous rappelle aussi Charles-Antoine. Pour qu’il soit, à notre façon, présent dans nos vies. Un hommage à sa courte vie. Mon fils porte donc une partie de son nom. Milann Antoine.

Ma soeur et mon fils Milann Antoine
Crédit : Marie-Claude Côté/Facebook

J’aurais aimé que ma sœur voie grandir son fils. Qu’elle puisse vivre les joies de la parentalité avec ses hauts et ses bas. Mon sentiment d’impuissance est incommensurable. Je ne sais pas si un jour elle voudra d’autres enfants. Sa condition fait en sorte que rien n’est certain. Je lui ai donc dit que, si elle s’empêchait d’avoir des enfants à cause de ça, je porterai son enfant. Je le ferai avec le même amour qu’elle vouerait à sa grossesse.

J’ai une grande admiration pour ma sœur et pour tous les parents orphelins. Ils ont une force incroyable. Le courage de continuer à trouver que, malgré le vide que leur enfant leur a laissé, la vie, elle est belle.

Merci ma soeur d'aimer mes enfants comme j'aurais aimé ton Charlot.

Je t'aime!

Elle a écrit quelque chose de beau. Vraiment beau sur son deuil. Si ça peut aider, soulager, apaiser. 

Avez-vous vécu, ou connu quelqu'un qui a vécu un deuil périnatal?