Justin est un petit bébé surprise. Ma fête, des sushis, du vin et des rapprochements ont donné Justin. Ariane avait 6 mois et venait de passer à travers deux hospitalisations. Nous n’avions même pas de diagnostic encore.

C’est en cuisinant des pâtes aux fruits de mer que j’ai réalisé que j’étais enceinte. Chaque femme a son signe qui ne trompe pas. Moi, c’est mon odorat qui devient extra puissant et les nausées. La seule fois de ma vie où j’ai souhaité avoir une gastro, c’est ce jour-là.

Dès que j'ai vu les lignes apparaître sur le test de grossesse, je me suis mise à pleurer. Ce n’était pas le temps du tout! Ariane était trop petite et malade! Nous passions notre temps sur l’autoroute 20 entre Rimouski et Montréal pour ses suivis médicaux! Je faisais de la physiothérapie avec elle chaque semaine! Je ne pouvais pas. On ne pouvait pas. Je ne le garderai pas.

J’avais le cœur en miettes. En mille miettes. Mon conjoint aussi. Nous étions démolis, mais ce n’était pas raisonnable. Par contre, ma raison et mon cœur ne s’entendaient pas. Je voulais le garder. Il irait bien lui. Je le sentais. Mon conjoint me prenait dans ses bras en me disant que je ne le savais pas, qu’on ne pouvait pas.

C’est Marie-Claude Savard qui nous a fait changer d’idée. Non je ne la connais pas, mais elle était chroniqueuse aux sports à Salut Bonjour et en nomination au Gala Artis.  J’avais vu passer sur les réseaux sociaux l’annonce de la mort de sa mère quelques semaines avant. Sachant qu’elle avait aussi perdu son père peu de temps avant ce décès, je la trouvais très courageuse d’être présente pour accepter son prix remis pour son animation d’une émission de boxe à Canal Vox. Par contre, je n’aurais jamais cru que son discours changerait le cours de ma soirée, de ma vie et surtout celle de Justin.

C’est en pleurs qu’elle accepta son prix, en mentionnant que la récente mort de sa maman et celle de son père il y a quelques mois l’a laissait orpheline. Elle n’avait ni frère ni sœur. Elle était seule au monde.

Il n’en fallut pas plus pour que mon conjoint soit ému et moi aussi. Nous allions vieillir et mourir un jour. Qui veillerait sur Ariane, une fois que nous ne serons plus en mesure de le faire? Je ne voulais pas avoir un deuxième enfant pour lui transmettre nos responsabilités de parents, mais de savoir qu’elle deviendrait orpheline, seule au monde, à notre mort me fit mal.   

Ce soir-là, Marie-Claude Savard a gagné un trophée Artis, mais son discours nous a portés à réflexion et a permis de faire la connaissance d’un petit garçon qui a maintenant 5 ans et qui est plus que formidable. La peur me dictait de me faire avorter. Mon cœur m’a crié de le garder. Mon cœur avait raison.

Nous avons pris un risque, car à l’époque nous n’avions aucune idée ce qu’avait notre fille. Mais même si ce fut essoufflant, épuisant par moment que Justin et Ariane n’aient que quelque mois de différence, nous n'avons pas de regrets. Ils ont une belle relation et je suis persuadée qu'ils sont bénéfiques autant pour l'un que pour l'autre.

Justin est, à ce jour, le plus beau risque que j’ai pris. Chaque fois qu’une personne me rappelle que lui aussi aurait pu naître avec une maladie ou une différence, je lui réponds que personne n’est à l’abri de ça. Devenir parent est un contrat à vie. Un enfant peut devenir handicapé suite à un accident ou une maladie. Il ne vient pas avec une police d'assurance parce qu'il est né en parfaite santé.

Les futurs parents, nous croyons souvent que ça n'arrive qu’aux autres. Dans les faits, à chaque grossesse nous nous exposons à la maladie, le handicap ou la différence. Une grossesse est un coup de dés, beaucoup plus que l’on puisse imaginer, tant que cette réalité ne nous a pas touchés.