Une amie qui vient d’accoucher de son premier enfant me parlait des difficultés qu’elle a à allaiter. Elle a tout essayé : tétées aux deux heures, fenugrec et chardon béni, ostéo, eau et protéines, tire-lait aux heures pendant 24 heures, hormones… Après plus de deux semaines, sa production de lait est toujours insuffisante. Découragée, elle me disait : « Dans les cours prénataux, on nous dit que c’est naturel, et que toutes les femmes peuvent allaiter… mais pourquoi on ne nous dit pas aussi qu'il est possible que ça ne marche pas? ».
 
Au Québec, depuis les années 1990, les efforts de santé publique pour promouvoir l’allaitement vont bon train. La ligne directrice nationale est claire : « allaitement exclusif durant les six premiers mois de vie de l’enfant et poursuite de l’allaitement jusqu’à deux ans et au-delà […] ». Une foule de ressources est mise à la disposition des mères : dépliants d’information, haltes au CLSC, professionnels formés, groupes de soutien, etc. Le support a porté ses fruits : en 2011-2012, 89 % des femmes qui ont donné naissance ont allaité.

Mais il y a un revers à cette promotion de l’allaitement : beaucoup de femmes sentent une pression indue à allaiter. Celles qui n’y arrivent pas, ou qui ne veulent simplement pas le faire pour des raisons qui leur appartiennent, se sentent souvent coupables, pas à la hauteur, elles se sentent parfois jugées par un système qui ne valorise souvent qu’un seul choix.

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Le problème se trouve peut-être dans le manque de nuance du discours de promotion : on nous dit que c’est naturel, que c’est ce qu’il y a de mieux pour notre enfant et que cela crée un lien d’attachement unique. Mais on oublie de dire que certaines études démontrent que la préparation commerciale pour nourrisson est une parfaite alternative au lait maternel. Ou encore, qu’il n’y a aucune différence dans l’attachement créé entre un bébé allaité et un bébé à qui on sert un biberon en peau à peau. On oublie finalement d’expliquer aux parents les alternatives : où apprend-on à préparer un biberon? À part les quelques pages dans le Mieux Vivre, quelles sont les ressources pour les parents qui désirent donner le biberon?
 
Comprenez-moi bien : je ne suis pas contre l’allaitement, au contraire! j’ai moi-même allaité mon premier enfant jusqu’à 22 mois, et je me réjouis que toutes sortes de ressources existent pour aider les femmes à allaiter. Mais quand je vois toutes ces amies qui se sont mises à douter d’elles-mêmes parce qu’elles n’arrivaient pas à allaiter (serai-je capable de répondre aux besoins de mon enfant? serai-je une bonne mère?), je me demande si on ne devrait pas revoir nos manières de promouvoir l’allaitement pour le présenter comme un choix possible parmi plusieurs bons choix, et non pas comme le « meilleur choix » pour notre enfant. Parce qu’il me semble qu’au final, ce qu’il y a de mieux pour un bébé, c’est que sa mère et ses parents soient biens : disponibles, confortables, le plus reposés possible, le moins stressés possible; heureux.
 
Sentez-vous une pression sociale à allaiter?