J’ai appris que mon Papi allait mourir, le jour où ma Croquette est née. C’était le 2 juillet.
Tout le monde doit mourir un jour où l’autre, certes, mais, à cet instant, j’ai su que les jours étaient vraiment comptés.
Alors que je tenais dans mes bras 6 livres et 10 onces d’innocence, alors qu’un sensationnel humain faisait son arrivée sur cette Terre, j’ai senti tout le poids de mes années d’innocence, à moi, me happer de plein fouet.
Je devenais Maman et mon papi allait mourir.
Crédit : Nathalie Justine
Il était malade mon Grand-papa. Il suivait des traitements d’hémodialyse pour tenter de maintenir sa fonction rénale. Pour se donner un peu de confort et quelques bons jours de soleil. Pour espérer profiter de la vie un peu.
En arrivant dans nos vies, en novembre dernier, toute fragile qu’elle était, ma fille, ce petit embryon, avait déjà une grande mission : tracer un chemin vers le paradis. Neuf mois pour aider son arrière-grand-père à faire un des choix les plus difficiles au monde : celui de mourir. C’est une chose de savoir que la vie s’arrêtera un jour, c’en est une autre que d’en prendre la décision.
Mon Papi a choisi d’arrêter l’hémodialyse quelques heures suivant la naissance de son arrière-petite-fille.
En cessant ses traitements, il savait. Il savait parce que c’était un être doté d’une grande intelligence. Une intelligence dont on se passerait parfois, parce qu’elle rend trop lucide et que cette lucidité est souvent douloureuse. Faire le choix conscient de mourir, c’est mourir un peu chaque jour, car les deuils sont infinis.
J’ose croire que ma Croquette a aidé mon Papi à prendre la route qui lui était destinée. J’ose croire que, grâce à elle, tout ça a été plus facile pour lui.
Tout au long de ma grossesse, il attendait avec impatience le jour de sa naissance. Tous les jours, il prenait de ses nouvelles, « comment va ma petite-fille ? », qu’il me demandait lors de nos conversations téléphoniques quotidiennes. « J’ai hâte qu’elle arrive », qu’il ajoutait.
Aujourd’hui, je comprends bien que sa naissance marquait, pour lui, sa date butoir. Il était fatigué. Il voulait aller rejoindre ma Mamie, sa femme, et veillez sur nous, avec elle, d’un peu plus haut.
Vivre, au courant des mêmes 24 heures, cette ondée d’émotions face à la vie et devant la mort, c’est inexplicable. Quelques jours après mon accouchement, j’ai pris la route du Québec avec mon chum et notre bébé de 18 jours. C’était plus fort que moi, il fallait que je voie mon Papi pour une dernière fois. Il s’est collé contre ma fille. C’était beau de les voir. Je savais que c’était la dernière fois.
Crédit : Nathalie Justine
Il n’aura fallu que 26 jours à la vie pour prendre le chemin de la mort. Et maintenant, quand je regarde ma fille, je sais qu’avec ses – désormais – 9 livres d’innocence, elle peut accomplir de grandes choses.