Je voulais partager mon récit de naissance plus rapidement que ça. Pas que je me mettais de la pression, mais j’avais tellement de questions de part et d’autre que j’aurais aimé pouvoir répondre par un lien vers ce texte. J’ai dû me rendre compte que la fatigue des premières semaines post partum, les hormones et, surtout, mon traumatisme face à mon accouchement était plus grand que je ne l’avais imaginé.
 
À l’hôpital, pendant la journée qui a suivi la naissance plus que rapide de mon fils, le personnel hospitalier m’a demandé pourquoi je n’avais pas appelé l’hôpital plus tôt. La réponse était simple : je n’ai jamais eu de contractions rapprochées avant mon accouchement en 15 minutes.
 
Flash-back de la journée d’avant : j’ai été voir l’acuponcteur qui m’avait déclenchée à mon premier accouchement. Après la séance, j’ai mangé du crabe (il m’avait dit que ça aidait), j’ai pris un bain, je me suis couchée. J’avais quelques douloureuses contractions, sauf qu’elles n’étaient jamais bien longues et n’étaient pas rapprochées. Je me suis réveillée, déçue de ne pas avoir accouché compte tenu de ma journée un peu plus énergique que les autres.

 

Quelques signes de mon accouchement imminent se sont manifestés : je me suis prise d’une envie folle de faire le ménage et j’ai perdu mon bouchon muqueux aux toilettes. Pour celles qui ne l’ont jamais vu, je peux vous assurer que le mien était très beau et saillant dans mes toilettes, tellement que j’ai envoyé une photo à ma jumelle qui s’est proposée de prendre ma fille pour la nuit, au cas où.
 
J’ai mangé épicé, contrôlant bien la douleur qui émanait de mes quelques contractions de la soirée. Après un bain chaud et une accalmie des contractions qui s’en allaient vers le close to none, j’ai décidé d’aller prendre une marche avec mon conjoint. La marche a duré quatre heures, temps où nous avons profité du fait d'être seuls pour s'imaginer les maisons qu'on voudrait un jour s'acheter, manger une crème glacée et discuter avec des amis que nous n'avions pas vus depuis des années. Pendant ce temps, j’avais des petits saignements, très pâles, et je gardais contact avec mon accompagnante à la naissance tout le long de ma soirée. Aucune de mes contractions n’était régulière et la douleur était plus que gérable.

Nous sommes rentrés et j’ai eu un autre signe isolé que mon accouchement allait se passer en allant faire un tour aux toilettes, sans toutefois avoir de contractions. Car il n'y a eu de constance que dans l'absence de constance de mes contractions. HA! 
 
Je me suis couchée et me suis réveillée deux fois parce que j’avais mal au ventre. La deuxième fois, assise sur la toilette, a.k.a l’endroit le plus confortable de ma maison en cas de contraction, j’ai senti que la machine se mettait en marche. J’ai réalisé que mes contractions étaient aux 5 minutes. J’ai donc tout de suite appelé ma doula puis l’hôpital. Sans m’en rendre compte, je me suis mise à crier, nue sur la toilette, ce qui a réveillé mon conjoint qui a pris le relais avec la préposée de l’hôpital Saint-Luc.
 
J’ai demandé d’appeler un taxi et c’est là que mes eaux ont explosé dans le bol. J’ai crié d’appeler l’ambulance. À partir de ce moment, je me suis mise en mode automatique : j’avais l’impression d’être sortie de mon corps. Mon chum m’a demandé c’était quoi le numéro, tellement la scène était irréelle pour lui.
 
J’ai crié : « 911 »!
 
J’ai crié encore : « Je sens la tête. »
 
À ce moment-là, j’étais rendue par terre entre le petit pot et la toilette. Je me tenais sur le bain, à quatre pattes, comme un petit animal. J’ai poussé, la tête est sortie. Mon chum a mis le téléphone sur speakerphone. J’ai poussé, le reste du corps est sorti.
 
J’ai crié pour savoir si le bébé respirait, incapable de bouger de l’endroit où j’étais. Le bébé a poussé son premier cri, nous l’avons couvert d’une serviette que j’avais utilisé quelques heures avant. J’ai senti que mon corps poussait encore : le placenta est sorti tout seul, pour s’échoir sur le carrelage blanc de la salle de bain.
 
Les ambulanciers sont arrivés, ils nous ont aidés à couper le cordon, nous ont mis, Marcel et moi, dans une civière et nous sommes allés à l’hôpital pour me recoudre et faire arrêter l’hémorragie qui m’a fait perdre près d’un litre de sang. Je suis tombée sans connaissance deux fois pour cette raison, incapable de me lever par moi-même.

 Crédit : Fabien Loszach 

Étonnement, j’ai tout de même eu mon congé le lendemain et j’ai pu faire face à l’endroit où j’avais donné naissance. Mon conjoint avait nettoyé la scène, mais il m’aura fallu encore près de quatre semaines pour être à l’aise avec cette pièce maintenant mythique et la naissance en 15 minutes de mon adorable fils. 

Si mon récit semble froid, c'est qu'il me reste encore beaucoup d'éléments à encaisser de mon accouchement, parce que, même si tout cela s’est passé rapidement, j'ai quand même eu la peur de ma vie, peur de perdre la mienne à cause de l'hémorragie et peur de ce qui aurait pu arriver à mon fils. Nous avons eu la chance qu'il sorte sans qu’il ait le cordon autour du cou et en santé.

Reste que je dois me faire à l'idée que mon enfant est né à l'endroit même où je me coupais les ongles des pieds quelques heures avant d'accoucher et ça, je m'en remettrais peut être jamais (jooooke!).