C’est la journée qui n’en finit plus de finir. Vous avez servi des gaufres coupées en deux, en quatre, en huit, avec des fruits disposés en visage qui sourit. Vous avez ajouté du sirop. L’harmonie jadis sèche et symétrique de votre composition fait place à un résultat noyé qui ne plaît plus du tout à votre jeune clientèle. Larmes et cris ont suivi. Il n’est pas midi.
 
Vous avez joué aux héros de l’espace, aux pompiers-pâtissiers, aux architectes qui n’ont qu’une envie, détruire la tour impériale qu’ils ont construite. Vous avez dérogé du scénario en refusant d’être la cible d’une pluie de Lego. Larmes et cris ont suivi. Il n’est toujours pas midi.

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Vous avez fait votre lit, vous avez dû vous y reprendre à quatre fois pour cause d’enfant sautant sur les draps fraîchement tendus. Vous avez cherché VOTRE coussin, vous l’avez retrouvé dans le coffre du camion Fisher Price avec un pop-tart mâchouillé et une vieille couche mouillée. Vous avez présenté à votre rejeton un PowerPoint sur l’hygiène et ses règles de base. Larmes et cris ont suivi. Il est presque midi.
 
Vaillamment, vous traversez le dîner sans hausser le ton, malgré sa moue, sa grève de la faim, sa position assise de fakir mou. Vous avez même réussi, comble de votre discipline, à garder votre calme devant le lancer de la Danette. Vous regardez ce test de Rorschach chocolaté sur votre mur et, la première chose qui vous vient en tête, c’est qu’il est passé midi et que la saison de la sieste est officiellement ouverte. Larmes et cris suivront.

Crédit : Julie Marchiori
 

Vous faites le noir dans la chambre, exorcisez toutes les créatures trouvant refuge sous le lit, gonflez les couvertures et les oreillers, placez les peluches par ordre alphabétique croissant. Puis, vous invitez finalement l’enfant à prendre place dans ce cocon d’amour, de fluff et de sérénité. Larmes et cris suivent, évidemment.
 
C’est non négociable, vos arguments sont béton, le Mieux-vivre vous donne raison. Une dernière histoire, une dernière chanson. Un câlin. Ce n’est qu’un au revoir, fiston. Vous refermez la porte sur ses dernières récriminations. En tapinois comme un voleur, vous restez de l’autre côté pour mesurer l’ampleur de votre succès. Vous constatez, bien au contraire, l’étendue de votre échec.

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D’abord, parce que ça saute à pieds joints et ça chante à tue-tête. C’est Osheaga sous votre toit et vous le saviez pas. À moins que ça ne vire en crise. Le facepalm bien maîtrisé, vous y allez de votre move breveté. Une larme de fatigue demande peut-être la permission d’être versée. Vous trouvez derrière votre sous-commissaire aux causes désespérées juste ce qu’il faut de résilience pour tenir bon. Le temps passe. Les minutes se changent en demi-heures. Pluriel.
 
Contre toute attente, le calme s’installe. Vous entendez des murmures ensommeillés, un presque silence qui fait rêver. Puis soudain, de ce rien si serein montent les premières notes de l’hymne officielle qui va tout casser : « Maman! J’ai fait CACA! ». Rien de tel qu’un crap nap pour signer la fin de tous les traités. Non. Inutile d’insister, la sieste n’aura définitivement pas lieu en ce dimanche ensoleillé.
 

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Vous ouvrez la porte, chassez la pénombre, nettoyez l’événement gastrique qui a fait chier ce moment de repos privilégié, constatez le désordre du lit où peluches et petit ne se sont pas endormis. L’étincelle dans les yeux de l’enfant met feu à ce qui pouvait rester de simulacre d’inactivité.

 

La journée reprend son cours. Collation coupée en nombre pair, pompiers-pâtissiers, Lego garrochés mais avec, cette fois, pas mal plus d’irritabilité parce que carence de sommeil annoncée. Je t’aime, tu m’exaspères. En même temps. Larmes et cris suivront souvent.
 
Tenez bon, parents! Midi est déjà loin et la soirée s’en vient. Cette sieste manquée, cet après-midi en dents de scie, à cran, à bout de jugement, c’est un souvenir comme un autre, finalement. À vous de le classer dans la filière que vous voulez.
 
Car rappelez-vous, peu importe l’outcome d’aujourd’hui, la sieste de demain demeure toujours une possibilité. L’hypothétique espoir d’une pause méritée dans cette journée qui ne cesse de commencer.

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