Il s’agit peut-être d’un des symptômes d’une crise dans le monde de l’éducation : de plus en plus, il me semble, entendons-nous parler de méthodes éducatives alternatives, voire marginales. L’école à la maison, les écoles alternatives et le unschooling disent répondre, à leur façon, aux besoins de ceux qui voudraient voir leurs enfants évoluer dans un environnement moins rigide que celui d’une classe surpeuplée et pressée par le temps ou les objectifs ministériels. Cette semaine, Radio-Canada a fait paraître un reportage de Laurence Martin et Valérie Ouellet sur le unschooling, qui a fait réagir quelques-unes des collaboratrices de TPL Moms. J’aimerais donc aujourd’hui expliquer pourquoi la vision libérale du unschooling est, à mon avis, un piège à éviter.
J’ai un énorme malaise devant l’idée que la liberté de choisir pour soi est une méthode éducative sans risque. C’est une belle morale, oui. Nous aimons la liberté. Ce n’est simplement pas une méthode. Les raisons pour lesquelles on enseigne à lire ou à écrire à partir de 5 ans au Québec prendraient beaucoup trop de temps pour mon espace dans ce billet, mais il faut comprendre que le calendrier ministériel des apprentissages scolaires n’a pas été fait de manière aléatoire, naïve. Non, l’école traditionnelle n’est pas parfaite, mais elle permet à la fois un apprentissage dosé, guidé par des gens qualifiés, dans un contexte social qui constitue un terrain d’expérimentations interrelationnelles nécessaires.
Les universités ont pour mandat de former des chercheurs en éducation, parce que oui, l’éducation est une science. Le cerveau de vos enfants est une machine avec laquelle les professionnels de l’éducation savent travailler. Le rythme d’apprentissage est calculé selon des notions didactiques, c’est-à-dire qu’il est réfléchi comme un moyen d’intégration des compétences à acquérir dans une première étape de scolarité qui, oui, vise le développement intellectuel nécessaire à la vie courante.
Pourquoi apprendre le théorème de Pythagore alors que ce n’est pas nécessaire au quotidien? Parce que vos enfants, lorsqu’ils font des mathématiques, développent leur jugement critique, leur mémoire de travail et la capacité de résoudre une problématique en plusieurs étapes qui allient un savoir théorique et une méthodologie pratique.
Il est faux de dire que les notions sont toujours enseignées à l’école de façon rigide et sans égard à l’individualité des apprenants : en fait, les professionnels de l’éducation prônent une plus grande liberté d’action des jeunes dans leur apprentissage qu’avant. Pour cela, il est nécessaire que les parents s’impliquent collectivement, dans une perspective d’ouverture du lien école-famille-communauté.
Enseigner la liberté individuelle ? Super. Maintenant, enseignons-leur l’implication dans la vie sociale et la responsabilité collective. Quand la famille Desbiens nous parle de socialisation, elle nous parle de copains et de gens avec qui elle discute. La socialisation, c’est plus que d’éviter l’isolement : c’est l’apprentissage de la vie en petits et grands groupes, le règlement de conflits, le choc et le compromis avec des gens qui ont des systèmes de valeurs différents. L’école offre cet apprentissage que les groupes homogènes de unschoolers n’offrent peut-être pas.
J’aimerais finalement revenir sur une partie de texte qui m’a fort ébranlée : « Contrairement aux parents qui font l’école à la maison – et donc qui se transforment en enseignants pendant la journée –, Lynn a un rôle différent : « Un peu comme un guide […]. » Oh! Mais qu’est-ce qu’un enseignant sinon un guide compétent? Que savent les unschoolers à propos de l’école et du rôle de l’enseignant? Et comment peuvent-ils faire une comparaison objective entre le rôle du guide en classe, celui du parent-guide qui enseigne en homeschooling et leur propre rôle? C’est déroutant, puisqu’ils ne peuvent pas comparer leur structure à celle des autres : ils n’en ont pas.
Ainsi donc, à ceux qui songeraient à faire l’école à la maison, j’aimerais fortement suggérer d’étudier la voie du homeschooling, plutôt : le travail de votre enfant sera reconnu et vous serez appuyés par un programme éducatif approuvé. Ou bien, renseignez-vous sur les écoles alternatives. En auriez-vous à nous suggérer?