Avant d’être un parent en bonne et due forme, j’avais été prévenu des nombreux dangers et aléas de la parentalité. « Tu vas voir… » que les gens se plaisaient à dire comme des prophètes de malheur. « Tu vas voir…! ». Les nuits blanches à bercer un bébé, les pleurs incessants qui te forcent à te cacher dans la salle de bain, les crises dans l’épicerie, les demandes incessantes pour du yogourt, la crise de bacon pour avoir un bol rouge et pas vert. Sans parler des couches nauséabondes à changer. Oui, les parents adorent mettre en garde les nouveaux contre tout ce qui peut arriver avec un enfant. Mais il y a une chose qu’on avait omis de me dire.
La claque.
Je parle de LA claque. La première claque que mon enfant m’a un jour administré de plein gré et avec un plaisir évident. C’est une espèce de secret honteux dont les parents ne parlent pas. On en parle rapidement, on évite le sujet, on n’en fait pas de cas. D’abord il y a eu la gifle accidentelle. Mon bébé commençait à peine à contrôler mieux ses mouvements et, oups, m’asséna « accidentellement » une bonne taloche sur la tête ou sur le mamelon gauche alors que je le changeais.
Ayoye, que j’me suis dit, mais c’est correct. C’est juste un bébé. Puis, mon petit mouton adorable a passé le cap du 18 mois et, surprise, un jour pas particulièrement spécial, il me pique une belle grosse crise bien sonnée et retentissante. J’étais prêt vous comprenez, parce que dans ma tête, je savais tout ce qui pouvait arriver, j’avais lu tous les manuels et blogues tendances sur le sujet en bon parent que j’étais. Évidemment, à ce moment-là, nous étions en plein Wal-Mart, et le p’tit me faisait le coup de la guenille qui s’effouare devant les rouleaux de papier de toilettes parce que j’étais un gros méchant qui refusait de lui acheter un giga ballon avec la grosse face de Dora dessus. J’me penche vers la bête avec toute la tendresse et la compréhension du monde et PAF, j’ai reçu LA gifle. Right on the kisser. Tiens, ta belle compréhension parentale! Tiens tes belles intentions! Tiens ton amour propre!
Le pincement de douleur ressenti sur ma joue s’est propagé au plus profond de mon cœur. La claque était bel et bien intentionnelle. Sentie. Voulue. Le p’tit semblait surpris lui aussi. Il me regardait avec une étrange lueur dans le regard. Une certaine crainte mêlée de jubilation victorieuse. Derrière moi, j’ai senti les regards horrifiés et critiques de la populace du magasin aux néons blafards. Je devais réagir, mais comment? J’étais figé sur place. Littéralement. Rester calme, dans ces situations, est presque impossible. La douleur et la honte allument notre switch animal, le mode primal et brutal qui cherche à fuir ou attaquer celui qui nous a blessés ; l’ennemi (en l’occurrence, ici, l’enfant qui ne sait pas encore comment mettre des bas).
D’instinct, j’aurais eu envie de lui retourner joyeusement la gifle. J’ai senti le boost d’adrénaline m’enserrer l’échine, pis j’ai serré le poing. En ravalant quelques sacres, j’me suis penché vers mon enfant une nouvelle fois et, je lui ai proliféré, à la place, une menace haineuse au travers de mes dents serrées. Pas beaucoup mieux, mais, au moins, j’avais pris le dessus sur mes émotions. Évidemment, le p’tit a fondu en larmes et en morve, me suppliant que je le prenne et que je le réconforte.
Cr*s, c’est toi qui m’a fait mal pis c’est moi qui réconforte? Oh sweet irony. Mais n’est-ce pas là, l’essence même de la parentalité? Oui que j’me suis dit. Voilà ici l’entière relation d’un parent envers son enfant, condensé en un seul moment. L’amour inconditionnel. L’amour à sens unique. L’amour « j’vais t’aimer pareil, même si tu me fais ça. »
Et vous, comment avez-vous vécu votre première claque?