La famille Obama tire sa révérence après huit années passées à la Maison-Blanche. Tout comme moi, vous avez dû être extrêmement touchés par les discours d'adieux officiels de Michelle et celui de Barack Obama.

Le 44e président des États-Unis mentionne : « Michelle Lavaughn Robinson, fille du sud. Depuis 25 ans, tu es non seulement ma femme et la mère de mes enfants, mais tu es aussi ma meilleure amie », dit-il à son épouse. « Tu as fait de la Maison-Blanche un endroit qui appartient à tout le monde. Et une nouvelle génération a de plus grandes aspirations parce qu'elle t'a maintenant comme modèle. »  Il s'adresse plus tard à ses filles: « De tout ce que j'ai fait dans ma vie, être votre père est ce qui m'apporte le plus de fierté. » [traduction libre]
 
Plusieurs analyses politiques ont été faites à propos de ce discours de fin de mandat et pour dresser un bilan de la présidence de Barack Obama. Je m'attarderai plutôt brièvement sur le rôle qu'a joué la famille Obama sur l'image du président et son impact dans la culture américaine actuelle.
 
Premier président Afro-Américain élu de l'histoire des États-Unis, les pressions étaient fortes sur Barack Obama à son arrivée en 2009. Il représentait à la fois un modèle de réussite et un symbole de la lutte pour les droits civiques dans une Amérique fortement inégalitaire dont le racisme est encore bien présent. Porté par un slogan de campagne Yes we can, rempli d'espoir et d'attentes pour la population, Obama faisait néanmoins face à un contexte de crise financière aux États-Unis.
 
L'arrivée des Obama à la Maison-Blanche a rapidement intéressé le public. La vie de famille et les valeurs y étant associées ont toujours été un atout politique important pour les politiciens. Mais cette fois, deux fillettes, les plus jeunes depuis les Kennedy, faisaient aussi leur entrée dans la célèbre maison de Washington. Les Américains sont tombés amoureux de cette belle famille harmonieuse et terre-à-terre.

Dès lors, les Obama ont incarné une représentation optimiste, inspirante et non menaçante pour leurs concitoyens : un père aimant et chaleureux, conciliant habilement le travail et la vie familiale, impliqué dans l'éducation de ses enfants ; une mère active, intelligente et volubile issue de l'Ivy League. Les médias ont d'ailleurs rapidement pardonné à Michelle son désintérêt initial pour le rôle de première dame qu'a endossé sa prédécesseure ; d'autant plus que son souci était de placer sa famille en priorité (« At the end of the day, my most important title is still mom in chief »).

Dans une Amérique ayant grandement besoin de modèles de réussite professionnelle et sociale issus de la communauté afro-américaine, Michelle Obama a d'abord endossé une image maternelle pleine de classe attendue d'elle par les électeurs pour ensuite faire paraître les qualités d'oratrice et de leader qui l'ont menée à un poste d'avocate renommée.

Quant à Sasha et Malia, elles incarnaient cette jeunesse aux valeurs fortes. Leur seule présence en tant que First family a favorisé un changement des mentalités et permis de briser les préjugés racistes persistant dans la population.
  
Cette mise en avant des valeurs familiales, quoique conservatrices, servait aussi habilement les intérêts d'un des plus puissants hommes politiques actuels. Dans une époque teintée par l'affaiblissement et même l'éclatement de la famille comme institution sociale, la médiatisation familiale des Obama* leur aura permis de développer une image positive de la famille nucléaire moderne américaine tout en soutenant une perception favorable du public.

Certains critiquent ce marketing politique de soi, qui serait choisi volontairement afin de voiler le bilan mitigé de l'administration Obama des huit dernières années (politique étrangère, inégalités persistantes, etc.). Sans être totalement faux, je crois que c'est faire fi de nombreux facteurs explicatifs.

Par exemple, le fonctionnement du système des contre-pouvoirs à l'américaine, avec une chambre des représentants et un sénat républicains limitent la portée ou le nombre de projets de loi et politiques présidentiels.
Aussi, le contrôle de l'image dont a fait preuve Obama aura permis de protéger la vie privée de la famille, de dévier l'attention des paparazzis à l'ère des médias sociaux. Au final, cette stratégie politique aura certainement favorisé sa réélection et le maintien de la popularité de Barack Obama en tant que président.

Je lisais cependant, dans les larmes de la famille Obama lors du discours d'adieu, les sacrifices faits : celui de leur liberté et de leur vie privée au prix de la carrière paternelle. Malgré la présence constante dans l'œil du public et le fait d'être le centre d'attention médiatique mondial, on y entrevoyait leur souhait de permettre à Sasha et Malia d'avoir une vie et une enfance les plus normales et heureuses possibles dans les circonstances.
 
Nous verrons bien comment Trump usera cette carte familiale dans l'image que son équipe forgera. D'ici là, je vous encourage à participer à la Manifestation des Femmes de Montréal en solidarité avec la Marche des Femmes à Washington, en réponse aux attitudes, messages, actions discriminatoires et haineuses qui ont émergé pendant la campagne de Trump et qui continuent d'être perpétués par ses partisans. 
 
*Plus près de nous, cette stratégie semble aussi être utilisée par le premier ministre canadien.