Comme j’ai accouché à la maison, j’ai dû conserver mon placenta, car les sages-femmes ne sont pas autorisées à le rapporter à la maison de naissance. C’est considéré comme un déchet biomédical. Il est possible de le rapporter soi-même à la maison de naissance pour qu’elles en disposent selon le protocole établi, toutefois. Bref, voilà pourquoi il trônait depuis deux mois dans mon congélo, entre les ice packs et les edamames.
Alors, que faire de cet « intrus »? Certaines le font encapsuler pour ensuite l’ingérer. Il aurait, paraît-il, des vertus, notamment sur le plan de l’apport en fer et en nutriments de toutes sortes. Pas fou, quand on pense que le placenta a servi à nourrir bébé pendant tous ces mois… Il semblerait même que les autres mammifères consomment tout naturellement leur placenta après la naissance. Mais moi, ça ne me disait rien.
Il faut dire que j’éprouve des sentiments partagés envers cet organe de mon corps. Les deux fois, c’est au moment de son expulsion que tout a dérapé… Il a certes fait son travail pendant tous ces mois, et je l’en remercie, mais je ne peux m’empêcher de le considérer avec circonspection.
À la naissance de mes deux filles, nous avons profité de la campagne Mon arbre à moi pour planter un arbre, LEUR arbre. Pour ma deuxième fille, nous nous sommes donc dit qu’il serait logique d’enterrer le placenta au pied de son arbre à elle, afin qu’il contribue à sa croissance, tout comme il l’avait fait pour ma fille au cours de ces longs mois.
Je ne m’attendais pas à être aussi ébranlée par ce geste, somme toute, assez banal. En observant la chose, dans le fond de son trou, se faire recouvrir de pelletées de terre, je ne peux m’empêcher de songer à la mort. Cette analogie est de fait très juste, car je crois qu’il me reste de nombreux deuils à faire. Deuil de la maternité, puisque je n’enfanterai plus, deuil de l’accouchement que j’aurais voulu parfait, cette fois-ci (je parle ici de mon accouchement traumatique)…
J’ai donc le cœur gros. Puis, je lève la tête et j’observe ma grande, qui a le sourire aux lèvres, toute fière de participer à la tâche, sa petite pelle à la main. Et j’aperçois sa petite sœur qui dort paisiblement à l’ombre, inconsciente de notre initiative et de la tristesse qui m’habite. Puis, je me dis enfin que la vie est ainsi faite, remplie de petites morts et de deuils, mais aussi de petites joies et de renaissances.
Qu’avez-vous fait de votre placenta?