L'été dernier, mon conjoint et moi étions prêts à agrandir notre famille pour accueillir un deuxième enfant. Je dois dire que j’étais très excitée d’avoir à nouveau un bébé dans notre petit nid. Dès que la ligne rose est apparue sur mon test de grossesse, nos cœurs se sont emballés. Joie! Notre rêve se réalise. On agrandit notre famille.
 
À ma 10e semaine de grossesse, après une visite chez mon obstétricienne, j’ai entendu le cœur. J’ai même eu la chance d’observer mon petit bébé sur une machine d’échographie portative (petit luxe de mon médecin). J’en ai pleuré de bonheur. J’ai enregistré le cœur, je l’ai fait écouter à ma famille, mes proches... j’étais si heureuse que je ne pouvais que répandre ma joie. Je rayonnais tellement qu'on avait besoin de lunettes de soleil pour m’approcher. 

À ma clarté nucale, une ombre est apparue sur notre bonheur. Nous n’avions pas un, mais bien deux bébés à l’échographie. Jusque là, ça va. On n’y croit pas tout de suite... car ça surprend! Vraiment! Le cerveau se met à bousculer toutes sortes de pensées inutiles au moment de la nouvelle : la voiture ne sera jamais assez grande ou encore tout ce qu'il faut acheter en double!

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Mais là où s’installe la vraie mauvaise nouvelle, c’est que mes bébés ne semblaient pas en santé à première vue. Après une montagne russe d’émotions et une panoplie d’examens tous les plus douloureux les uns que les autres... Nous avons eu le diagnostic. Il a fallu 6 semaines au total pour connaître tous les résultats. Je portais des jumelles monozygotes identiques et trisomiques, avec malformation cardiaque et trouble dans leur développement. On m’a annoncé ce qu’une maman ne devrait jamais entendre. Elles ne survivront probablement pas et ma grossesse est dangereuse pour ma santé. On me parle de faire une IMG (interruption médicale de grossesse), mais on me laisse complètement le choix. Peu importe ma décision, ils vont m’accompagner et m’appuyer dans cette grossesse. J’ai pleuré pendant des jours entiers. C’est une terrible décision à prendre. Surtout que chaque examen t’apporte un peu d’espoir : peut-être que ce n’est qu’une erreur? Peut-être que le résultat sera négatif pour l’une d’entre elles? Peut-être que ce n’était que de l’humour noir et que tout se terminera très bien?

La vérité c’est que j’ai eu à prendre une décision. Que je sois prête ou non… c’était l’heure de choisir. Pour des raisons qui nous appartiennent, nous avons décidé que nous allions interrompre la grossesse. Nous sommes chanceux, car nous avons été bien accompagnés par une équipe médicale compétente. J’ai subi mon opération à ma 19e semaine de grossesse. Le personnel explique très bien ce qu’est l’opération ou encore les symptômes qui suivront lors des prochains jours. On vous remet un petit dépliant avec le dessin d’un ange pour vous parler du deuil périnatal et des groupes de soutien qui existent. La vérité, c’est que je ne voulais voir personne. J’avais besoin de me réfugier dans ma coquille. Dans mon cas, le plus difficile, ce fut le vide en moi. Entrer à l’hôpital le ventre rempli d’amour et d’espoir est une chose, mais en ressortir les bras vides est autre chose. Les sentiments d’injustice et de culpabilité sont très forts.

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Malgré tout, je ne me suis pas sentie seule. Toutes les mamans qui ont vécu ou vivent cette situation ne sont pas seules non plus. Pour donner de l’espoir aux mamans qui vivent des épreuves du genre, laissez-moi vous dire que rien ne pourra remplacer vos enfants perdus, mais qu’on réapprend à respirer entre les sanglots. Je sais aussi que je ne les ai pas rencontrés, qu’elles n’étaient que des fœtus, que j'aurais d'autres enfants et qu’elles sont mieux au ciel … bla-bla-bla. J’ai entendu tous les commentaires possibles, ne vous en faites pas. On cherche à nous consoler avec ces commentaires, mais la vérité c'est qu'il n'y a rien à dire dans l’immédiat qui pour nous réconforter réellement. Ce que plusieurs personnes ne pensent pas, c’est que je les sentais bouger en moi. Je les voyais remuer sur l’écran aux échographies et j’entendais leur cœur battre de vie. Elles étaient bien réelles même si j’étais la seule à avoir pleinement conscience de leur existence. Le deuil que l’on porte lorsqu’on perd des enfants est indescriptible et différent pour chacun.

Je veux terminer en disant qu’il n’y a aucune solution miracle pour traverser une période difficile. Il faut accepter la douleur et la perte pour faire le deuil. Pour nous aider, nous avons enterré un coffre contenant lettres et souvenirs. Cette petite cérémonie intime fut importante pour moi, car elle m’a aidé à clore ce chapitre qui laissera une marque immuable sur mon cœur. Un an plus tard, à quelques jours près de l’anniversaire de mon interruption médicale de grossesse, je devrais donner naissance à un beau bébé en santé. Cette fois, la vie me sourira! J’en suis persuadée!