Lors du mouvement #AgressionNonDénoncée, je faisais partie de celles qui disaient « Ouf, pas moi! » J’étais consciente de l’existence de la culture du viol, mais je trouvais que ça ne me concernait pas. Ça m'a tout de même poussée à réfléchir à mon passé, à mon attitude, aux hommes que j’ai croisés. J’ai réalisé que j’avais vécu des situations inacceptables à des moments où je n’avais pas le bagage pour comprendre ce qui se passait.
 


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En ce sens, j’aime bien l’effet que donne ce nouveau mouvement, #MeToo /#MoiAussi. C’est global. Sur votre fil d’actualité, ça fait BOOM. #SorryNotSorry pour la claque dans la face. Le mouvement nous permet de démontrer l'ampleur de la culture du viol, toute sa gravité. Les blagues de votre mononcle pervers quand vos seins commençaient à pousser. La main indésirable sur votre cuisse. Les fois où vous avez plié pour ne pas déplaire à quelqu’un que vous aimiez, même s’il vous aimait mal. Les catcalls. Les viols. J’aime qu'aucun vécu ne soit invalidé par le mouvement.

 

Je trouve ça important aussi que #MoiAussi reste inclusif. Les femmes sont plus nombreuses à avoir vécu des agressions, le plus souvent par des hommes. Mais que vous soyez femme, homme, trans, non binaire ou autre, si vous avez été harcelé.e ou agressé.e, vous avez votre place dans le mouvement.

Ça serait facile pour le tribunal des trolls d’invalider ma réflexion amorcée lors de #AgressionNonDénoncée. Parce qu'il ne s'était « rien passé », parce que ça se passait sur les fameuses blurred lines... Mais malheureusement pour leurs arguments de marde (et pour moi), je suis entrée plus officiellement dans les statistiques depuis. 
 


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En voyage avec mon père dans une grande ville américaine, je me suis retrouvée dans un autobus bondé comme je n’en avais jamais vu. J’avais vraiment l’impression de ne pas pouvoir bouger. Derrière moi, j’ai senti quelque chose… Vu la situation de proximité avec tout un chacun, j’ai commencé par donner le bénéfice du doute. Ça ne pouvait pas être ça. Jusqu’à ce que mon père ressente mon malaise. « As-tu des problèmes avec le gars derrière toi? » Ça a pris deux secondes et il était à ma place. L’inconnu s’éloignait, profitant d’un arrêt pour se sauver l’instant d’après. J’ai su, beaucoup plus tard, que ça s’appelle du frotteurisme. Je n'ai même pas vu le visage de mon agresseur. Je me suis sentie sale et coupable de ne pas avoir réagi. Ensuite, j’ai banalisé mon expérience pour ne pas avoir à y réfléchir.

Quand j’ai vu les #MoiAussi apparaître par dizaines, j’ai eu peur. Si j’ai de la misère à dénoncer l’acte d’un frotteuriste anonyme, je n’ose imaginer la difficulté d’entamer des procédures à l’endroit de quelqu’un qu’on connaît. Quand on sait le sort trop souvent réservé aux victimes par les tribunaux légaux et populaires, on comprend mieux pourquoi énormément de victimes restent silencieux.ses.
 


Crédit : montrealesque/Instagram

Je veux encore croire que nous pourrons faire saisir l’ampleur du problème, et plus encore. Les #J'aiFaitÇa, #IHave et #MaFaute émergent timidement. Des hommes quittent leurs réflexes défensifs pour amorcer une réflexion sur leurs comportements. Je ne pense pas qu’ils volent la vedette, l’important, c’est qu'ils voient le problème. Qu’ils arrêtent de siffler des inconnues ou de faire des allusions sexuelles à leurs collègues féminines. À ce moment-là, on aura vraiment fait un pas en avant en tant que société.