La douleur des contractions me réveille. Je note l’heure. Je me rendors, convaincue qu’il s’agit de faux travail comme dans les derniers jours. Je sens à nouveau une contraction monter. Je regarde l’heure : 10 minutes ont passées. Je me lève et me coule un bain chaud. J’inspire doucement et expire par petits coups saccadés. Je reste concentrée, les yeux fermés, calculant l’intervalle des contractions.

Après une heure, je sors du bain pour réveiller mon amoureux afin de nous rendre à l’hôpital. À notre arrivée au quatrième étage, une infirmière vérifie l’état de mon col : dilaté à 5 cm et effacé à 80 %. Elle nous conduit à la chambre où je donnerai naissance. Tout me semble soudainement réel.  Dans le prochain jour, voire les prochaines heures, j’accoucherai.

Mes contractions sont maintenant aux 3 minutes. La douleur est intense. Même la respiration n’arrive pas à me recentrer. Je demande à ce qu’on me coule un bain. L’eau, si chaude, m’engourdit. Je ressens moins les contractions. Après 20 minutes, l’infirmière vient aux nouvelles. J’ai peine à lui parler tellement la douleur est forte, voire insupportable. Je réitère mon intérêt pour la péridurale. « Ce sera difficile de l’avoir bientôt, les anesthésistes sont occupés. » Mon amoureux agrippe ma main et ferme les yeux pour ne pas me voir pleurer.

Je titube jusqu’à ma chambre, m’arrêtant le temps des contractions. Je tremble à chacune d’elle. Je suis à peine assise dans mon lit que les anesthésistes entrent dans ma chambre : « C’est votre tour, la patiente précédente n’était pas prête. » Avant de commencer, mon médecin vérifie l’évolution du travail : dilaté à 8.5 cm et effacé à 100 %.

J’étais terrifiée à l’idée de recevoir la péridurale. La résidente commence les procédures. Le médecin lui explique qu’elle fait une rachidienne plutôt qu’une péridurale. Heureusement pour moi, je suis soulagée plus rapidement. Et ce soulagement! Je suis aux anges! Mais le cœur de bébé décélère. En un rien de temps, mon lit est incliné, j’ai un masque à oxygène et l’aide médicale afflue dans ma chambre. Quelques secondes plus tard, tout redevient à la normale.

Le médecin vérifie à nouveau l’évolution du col de mon utérus. Ça y est : dilaté à 10 cm et effacé à 100 %. Par contre, bébé a le visage vers le ciel et reste trop haut pour commencer les poussées. Comme je suis sous anesthésie, nous le laisserons descendre pendant une heure et espérerons qu’il se tourne de lui-même, sinon le médecin devra le faire manuellement.

L’heure de pousser arrive. Les pieds sur les étriers et les mains s’agrippant aux barres de chaque côté du lit, je n’ai pas besoin de l’infirmière pour m’indiquer quand pousser. Je sens bébé qui appuie ses pieds sur mes côtes pour se donner de l’élan. C’est douloureux, mais efficace. Nous travaillons ensemble, en symbiose.

Deux heures plus tard, quelques mèches de cheveux apparaissent. L’infirmière remarque que bébé rebondit sur mon périnée (de feu!). De chaque côté du lit, elle et mon amoureux ramènent mes jambes contre mon ventre le temps des poussées. La résidente, épaulée du médecin, m’aide en étirant mon périnée le temps que bébé sorte sa tête. « Arrêtez de pousser, je vérifie si le cordon n’est pas autour du cou. » Je donne ensuite la poussée de ma vie. En un instant, bébé est couché sur mon ventre.

J’aimerais raconter la suite, mais elle est floue. Je me souviens que je pleure, émue par ce moment d’une grande beauté et d’une tendresse infinie. Je suis submergée par cet amour. Mon amoureux nous regarde et je lui dis que je l’aime. L’infirmière dénoue ma jaquette et colle bébé contre ma poitrine. Puis, le monde s’arrête, d’un coup. Et son visage plus près et propre me permet de dire que « ce sera bien un petit Arnaud. »