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Quand on accouche, on se trouve dans un état second. Je sens le climat de panique qui s’installe dans la pièce, mais on dirait que je flotte au-dessus de tout ça. Le docteur et la résidente se relaient pour faire des massages à mon utérus pour tenter de le convaincre de se contracter. On m’injecte de l’ocytocine en dose de cheval. On me demande mon autorisation pour m’injecter d’autres produits dans la cuisse dont je ne me souviens même plus de l’utilité. Merci à l’épidurale de m’épargner la sensation de tout ça!

Je perds beaucoup de sang, on tente de rééquilibrer le volume de liquide dans mes veines via les deux cathéters que j’ai dans les bras.

Les médicaments me font vomir, même si je n’ai quasiment rien mangé de la journée.
Les manœuvres rapides de l’équipe médicale réussissent : l’hémorragie est stoppée, la panique quitte la pièce.

Il y a plusieurs femmes en travail ce soir-là. Mon médecin, qui était déjà en retard pour la venue d’un autre petit être sur terre, laisse la résidente me recoudre. Moi, j’ai faim, je fais une hypoglycémie (on m’avait enlevé mon glucose pour m’injecter d’autres médicaments).

Chéri revient avec bébé no2. Il l’a dans les bras depuis sa naissance, mais en néonat', on n’a pas voulu le laisser aux côtés de son frère : les bébés en santé ne sont pas admis aux soins intensifs. Alors chéri, pris entre les deux bébés, vient voir si je suis en mesure de m’occuper de ce dernier.

Je me sens mieux, j’ai mangé, et comme je désire allaiter, c’est le moment de mettre bébé au sein. Mais comment faire pour bébé no1 qui est loin de moi? Mes jambes sont encore hors du contrôle de mon cerveau, et on ne peut pas m’apporter sur ma civière en néonatalogie. On me ramène donc dans ma chambre pour me laisser dégeler.

Dans la chambre, mon cœur est déchiré. Je veux câliner bébé no2, mais je désire ardemment rejoindre mon autre fils, pour le voir, pour le prendre, pour lui donner à manger. Il est 22 h, mon infirmière termine son shift dans 1 h, et son but ultime, c’est de compléter ses notes. Pas de m’aider à aller aux toilettes, à m’habiller ou à me mettre dans une chaise roulante pour me rouler jusqu’en néonat', nenon. Chéri vient donc me voir pour me donner des nouvelles de bébé et pour m’aider à faire ce qu’il faut pour m’amener à lui.

Minuit, je réussis enfin à me rendre jusqu’à mon fils. Il est branché de partout, il a un cathéter dans sa mini-main pour recevoir des antibiotiques IV, il a des capteurs sur son mini bedon pour suivre son rythme cardiaque et un saturomètre sur son mini-pied pour suivre son taux d’oxygène dans le sang. Le temps que j’arrive, on lui a déjà enlevé son CPAP qui l’aidait à respirer, il est maintenant capable d’accomplir cette tâche seul!