Si vous n'avez pas lu la première partie, faites-le ici.

Je ne m’étais pas imaginé devoir accoucher lorsqu’on m’a annoncé la mort de mon bébé. « C’est la méthode la moins risquée pour votre santé. Si on attend, il y a des risques d’infections... » Pas besoin de parler de la santé de bébé ici. Je n’ai pas entendu la suite, des larmes m’ont montée aux yeux.
 
On nous a laissé un peu de temps seuls, à mon copain et moi. On se regardait sans dire un mot, en tentant tous deux de donner un sens à ce qui nous arrivait. J’avais encore mon beau ventre rond, ça me paraissait irréel. On n’avait rien fait qui aurait pu mettre sa vie en danger.
 
On a pris quelques minutes pour écrire à nos collègues et leur laisser savoir que l’on ne serait pas présent à nos rencontres prévues de la journée. Pour le reste de la semaine, on ne savait pas encore à quoi s’attendre. J’ai annulé le rendez-vous chez la coiffeuse. J’ai annulé la séance photo de grossesse prévue le week-end prochain.
 
Mon corps était loin d’être prêt à donner naissance. On devait me provoquer. Je devais prendre une dose d’un médicament au 4 h jusqu’à ce que mes contractions commencent, ce qui prenait habituellement entre une et six doses (4 h à 24 h). Dans mon cas, 24 h ont passé et le travail n’avait pas débuté. Je venais de passer une nuit à l’hôpital où l’on venait me réveiller aux 2 h pour prendre ma pression, aux 4 h pour prendre le médicament et aux 6h pour des prises de sang. Disons que l’on a peu dormi, mon copain et moi. À ce point, j’étais tendue, fatiguée et émotionnellement lâche. J’aurais tout abandonné… sans savoir ce que ça voulait dire puisque tôt ou tard, je devais accoucher de ce bébé sans vie.
 
On a dû passer à la deuxième tactique pour m’accoucher naturellement : le ballonnet. Pendant son expansion, je ressentais qu’une seule grande contraction. Pas de crescendo de douleur qui m’aurait permis de respirer entre chacune. Après 2 h, je n’en pouvais plus. J’étais épuisée, autant physiquement que mentalement. En plus du ballonnet, on devait m’injecter un médicament plus fort que le premier pour déclencher mes contractions. J’avais maintenant un fil branché à mon bras en tout temps. Malgré tout, j’étais soulagée en pensant que c’était notre dernière nuit à l’hôpital. On pourrait bientôt retrouver le confort de notre chez nous et retrouver un semblant de vie normale.
 
La nuit était tombée, mais le travail avait peu avancé. J’ai commencé à avoir des frissons incontrôlables. Mon état physique commençait à ressembler à mon état mental. On m’a proposé de prendre la péridurale pour me soulager un peu et m’aider à dormir. Je pouvais voir, dans le regard inquiet de mon copain, qu’il espérait que je la prenne. L’anesthésiste est arrivé à 5 h du matin et a installé la péridurale à mon dos, le tout pendant que je frissonnais. Étonnamment, l’anesthésiste n’y voyait aucun problème. Il a d’ailleurs fait son travail rapidement et avec grande minutie selon les dires du chum drôlement impressionné du fait qu’il était si éveillé et lucide pour un gars appelé aussi tôt le matin. Je me suis endormie rapidement ensuite et, entre quelques réveils de porte qui claque, j’ai senti quelque chose bougé au bas de mon ventre. Dans mon état semi-endormie, je rêvais que mon bébé allait se pointer le bout du nez en criant, nous montrant qu’il était bien en vie, que c’était une erreur, son cœur battait bien. Que je pourrais partir avec lui, le bercer, lui chanter pour le calmer…
 
Une quinzaine de minutes plus tard, le médecin a constaté que le bébé descendait. Il restait les poussées et c’était terminé. La tornade d’émotions, elle, était loin d’être terminée.
 
Le matin de la Saint-Valentin, 9 h 31 exactement, Nolan est né. J’étais incapable de regarder ce qu’il se passait. J’avais mal. Je voulais crier, pleurer, mais n’avais même pas la force de me lever. Mon fils venait de naître, inanimé. J’avais pour but de le faire grandir, évoluer et apprendre jusqu’à ma mort. Pas la sienne. J’entendais au loin le médecin constater que mon bébé avait le cordon ombilical très serré autour du cou, mais qu’il était peu probable qu’il s’agisse de la cause du décès. Suivi d’une discussion sur mon placenta, qui à première vue semblait en parfait état. Toujours pas d’explication à sa mort.
 
J’étais en larmes. Avoir vécu tout ça, sans le bonheur de partir avec son enfant. Un accouchement, sans bébé à tenir dans ses bras.
 
Les infirmières sont ensuite parties avec le bébé, nous laissant seuls, mon copain et moi. Il ne restait plus qu’à les appeler lorsqu’on serait prêts à voir notre garçon.