Dans les semaines avant d’accoucher de mon deuxième enfant, je me disais que je n’aimerais jamais cet enfant autant que le premier. Que vivre deux fois un tel amour, un tel coup de foudre, c’était impossible. Que tout le monde mentait un peu en disant aimer ses enfants de manière égale.

Puis, j’ai accouché.

Et puis?

Et puis…je ne peux pas répondre pour l’instant.

D’abord, les deux accouchements ont été teeeeeellement différents. Le premier a été marqué par l’intensité, par un tourbillon presque incontrôlable, par des craintes pour le bébé, par une poussée plutôt rapide, mais une poussée de la dernière chance, une poussée avec une césarienne qui me pendait au bout du nez. Le deuxième a été marqué par l’attente, l’angoisse, un bébé qui va bien, mais une mère qui a la chienne, une douleur vive impossible à soulager, mais une poussée ultra rapide, dans le sens d’UNE poussée.

Je n’étais donc pas du tout dans le même état d’esprit quand on a déposé la petite boule d’amour sur mon ventre.

La première fois, j’étais soulagée, délivrée, je pleurais de joie, mon cœur a explosé d’amour. 

La deuxième fois, j’étais sonnée, sous le choc, dépassée par les événements. J’ai ressenti de l’amour pour le bébé qu’on a déposé sur moi. Mais le même coup de foudre? Honnêtement, je ne crois pas.

Est-ce que ça veut dire que j’aimerai moins mon plus jeune? Je ne pense pas. Mais je ne sais pas. Il est trop tôt pour répondre.

Dans les heures suivant l’accouchement, j’ai ressenti beaucoup d’amour pour mon bébé tout neuf. Je l’ai regardé pendant des heures, découvrant chaque petit pli de son corps. J’ai réfléchi à la question que je m’étais posée avant l’accouchement. Est-ce que je l’aimais autant que son grand frère?

Je ne pouvais pas répondre à cette question. Les deux amours sont si différents. Un est tout neuf. Viscéral, mais essentiellement instinctif, biologique, basé sur des hormones, de l’attente, du soulagement, de l’espoir. L’autre est ancré dans le même terreau, mais il a grandi, a fleuri au rythme des sourires, des bisous, des câlins, des rires, des découvertes, des nuits blanches, des microbes, des tétées groupées, des vomis ramassés, des histoires racontées, des comptines en chœur, des conversations embryonnaires, des siestes en cuillère.

Comparer ces deux amours est impossible. Un grandit chaque jour depuis plus de deux ans. L’autre est tout neuf et rempli de surprises à venir. Seront-ils aussi forts? Aucune idée. Et qu’est-ce qu’on s’en fout au fond. Ils seront différents.

Chose certaine, quand je vois mes deux amours qui s’apprivoisent, quand je vois mon grand qui cajole son petit frère, quand mon cœur menace d’exploser dans ma poitrine tellement je les aime et les trouve beaux, au fond de moi, je me fous des comparaisons.