Mon amoureux dépose la chaise haute que nous avons apportée de la maison à la table réservée pour nous. J’y assois notre fils après l’avoir dévêtu de tous ses habits d’hiver que l’on ne se peut plus de voir. Une dame à la table en face nous regarde. Intensément. Elle se retourne. Elle nous regarde à nouveau. Attentivement. Elle se retourne. Elle nous regarde une autre fois et me dit : « Est-ce que c’est un bébé roux pour vrai? » Si vous saviez toutes les répliques qui me sont passées par la tête.

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Je me suis couchée cette journée-là en ne comprenant toujours pas qu’on puisse sérieusement poser une question pareille à une inconnue. J’en suis venue à réfléchir et à me questionner. Peut-elle n’avoir jamais vu de bébé roux? Peut-elle se demander si les adultes roux qu’elle a déjà croisés naissaient ainsi? S’agissait-il d’une question candide, exempte de méchanceté? Comme si elle réalisait la chance qu’elle avait aujourd’hui d’en croiser un? Je ne le saurai jamais. Et j’en doute réellement.

Par contre, je ne peux m’empêcher de constater qu’il en sera peut-être toujours ainsi. Mon fils sera pointé du doigt parce qu’il a une couleur de cheveux différente. Ce qui m’amène également à constater que certaines personnes n’ont rien vu et n’ont rien à faire. Peut-on avoir si peu vécu que l’on s’émerveille devant le reflet cuivré de cuir chevelu d’un bambin? Ou plutôt, peut-on avoir été si peu éduqué, que l’on se permet de pointer du doigt une différence aussi banale soit-elle?

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Quand j’étais petite, ma mère ne nous permettait pas de juger les gens que nous croisions. Je ne pouvais pas faire de commentaires sur l’habillement de quelqu’un, sur ses cheveux ou sur n’importe quel détail qui le rendait différent. Comme elle avait été très pauvre étant jeune, elle nous disait toujours que nous ne savions pas par où cette personne était passée et que ce n’était pas à nous de la juger. Ce que nous n’avons pas fait, d’ailleurs. Même lorsqu’encouragée par des amis, je leur disais simplement que je ne trouvais pas ça drôle, moi.

Je crois que tout part de là, d’ailleurs. De l’éducation des parents face à ce genre de commentaire et d’attitude. De l’exemple des parents qui ne se laissent pas entraîner dans ces habitudes malsaines. Il nous faut cesser de soulever les différences. Il nous faut cesser de les soulever quand ce n’est pas pour les embrasser. 

J’ai eu droit également d’entendre : « Inquiète-toi pas, ça peut encore passer… » La seule chose que j’espère voir passer, ce sont ces remarques, chère dame! Et j’espère voir passer le temps. Le temps qui nous permettra peut-être d’être de meilleurs parents. Des parents exemplaires qui apprennent à leur enfant que la différence, au finale, n’est qu’une normalité.