Lundi, aux aurores, la petite traîne de la patte dans sa routine du matin, rechigne à table sur la couleur du verre, la sorte de céréales, ne veut pas se brosser les dents, refuse de mettre ses bottes d’eau alors qu’il pleut un déluge. Entre quatre bâtonnets de carottes préparés pour la boîte à lunch et trois assiettes sales mises au lave-vaisselle, la moutarde commence à vous monter au nez.

Au moment de sortir de la maison (déjà en retard), lorsque la chair de votre chair secoue frénétiquement son pied pour enlever sa botte et qu’elle se retrouve les orteils à l’eau, vous voyez rouge et criez un « Ça suffit, remet ta botte pis ça presse! » beaucoup plus fort que vous ne le souhaitiez. Vous poursuivez, malgré le malaise, la chaîne d’actions à poser pour finaliser le départ pour l’école. Et dès que votre fille aura disparu de votre champ de vision, vous vous mettrez à vous taper sur la tête, le cœur gros d’avoir perdu patience en vous traitant de mauvaise mère.
 
Ce scénario pourrait être transposé dans mille autres contextes : dans le vestiaire de la piscine, dans la cabine d’essayage d’un magasin, au parc, à l’épicerie, à la clinique, etc. Les moments où notre enfant met à l’épreuve notre patience sont nombreux et on a beau se promettre qu’on ne se laissera pas submerger par la vague d’exaspération qui monte, le contrôle nous échappe parfois. Et on s’en veut à mort.

D’ailleurs, cette étouffante sensation de culpabilité n’est pas uniquement reliée à nos impatiences. Les repas moins équilibrés, le temps passé devant les écrans, le manque de motivation à les amener jouer dehors, l’oubli de la dent sous l’oreiller, les vêtements d’été pas encore achetés, les Smarties rouges, le dentifrice avalé : on se sent coupable pour tout et pour rien. Pourquoi? Est-ce un réflexe hérité de l’image des mères parfaites des années 50?
 
Pourquoi les mères peinent-elles à se défaire de cette manie de s’en vouloir au moindre accrochage, au moindre relâchement? J’écris mères, car je constate que les pères autour de moi sont moins prompts à s’autocritiquer. Héritage patriarcal? Si j’étais une sociologue, je me pencherais sur le cas…
 
En attendant, comment gérer ce sentiment quand il survient? Je n’ai pas de recette magique, sinon :

  • de dédramatiser ; non, mon enfant ne deviendra pas cyberdépendant parce qu’il a regardé deux heures de bonshommes aujourd’hui.
     
  • de relativiser ; non, la santé de mon enfant n’est pas en danger parce qu’il a mangé de la pizza deux soirs de suite ou une poignée de Smarties rouges.
     
  • de rire de nous ; j’ai oublié la fée des dents, hahaha, je me reprendrai à la prochaine palette!
     
  • d’accepter nos failles ; c’est humain de perdre patience quand le stress, la fatigue, les soucis la fragilisent.
     
  • de s’excuser quand les mots, sur le coup de l’émotion, sont sortis trop forts, trop vites, trop raides ; ça n’efface pas tout, mais ça empêche la mauvaise interprétation, du genre « si maman a réagi comme ça, c’est parce qu’elle ne m’aime pas ».

 
L’éducation d’un enfant, c’est émotif, prenant, exigeant, n’en rajoutons pas une couche en se sentant coupable par-dessus. Et pour chaque bout cahoteux, il y en a mille lumineux, ne l’oublions pas.  

Comment gérez-vous le sentiment de culpabilité quand il se pointe?